«?L'accouplement est un cérémonial - s'il ne l'est pas c'est un travail de chien.?».
Au début des années soixante, un jeune homme est nommé instituteur dans un village du Périgord, le pays des grottes préhistoriques, entre Les Eyzies et Montignac.
Dense, tendu, plein de fulgurances et d'emportements le roman fait de cette terre l'espace à vif d'une quête amoureuse. Yvonne, la belle buraliste, porte en elle la brûlure du désir, tout le mystère de la différence des sexes - l'origine du monde.
Le corps d'une jeune fille abandonné dans la neige, l'épave d'un avion échoué au fond des eaux, un homme en fuite. Autant d'images qui illuminent le nouveau roman de Cormac McCarthy. Des rues de La Nouvelle-Orléans aux plages d'Ibiza, son héros, Bobby Western, conjugue sa mélancolie à tous les temps.
Cet homme d'action est aussi un mathématicien et un physicien, deux disciplines qu'il a abandonnées après la mort de sa soeur Alicia, disparue mystérieusement dix ans plus tôt. Hanté par la culpabilité, Western trouvera-t-il enfin le repos ?
Roman noir, histoire d'une passion, Le Passager est aussi une parabole sur le déracinement de l'homme moderne.
À quatre-vingt-dix ans, Cormac McCarthy nous surprend une fois de plus par son audace. Entre une conversation sur la physique quantique, un traité de la solitude et la description d'une tempête dans le golfe du Mexique, il se joue des conventions et demeure l'un des romanciers les plus singuliers de notre époque.
Ce court récit inédit de Julien Gracq met en scène une fascination. C'est la vision initiatrice, brève mais répétée, d'une demeure, aperçue à chaque trajet depuis un car traversant la campagne pendant l'Occupation, qui pousse le narrateur à se mettre en route, cheminant seul dans les sous-bois pour s'approcher de la maison. À travers le récit de ce parcours aussi sensuel et contemplatif qu'intériorisé, La Maison déplie, comme une intrigue, la naissance d'un désir.
« Le soir tombait plus vite qu'ailleurs sur l'égouttement de ces fourrés sans oiseaux. Leurs bruits légers et distincts :
Craquements de branches, sifflement faible du vent dans un pin isolé, éteignaient les bruits insignifiants de la campagne - au long d'eux, dans la brume pluvieuse, on marchait comme dans une ombre portée : la route tout entière feutrée et épiante, n'était plus qu'une oreille collée contre la lisière des bois. [...] Après quelques allées et venues assez incertaines au long de la route, l'envie me vint une minute, devant cet obstacle absurde, de renoncer à mon équipée - mais la curiosité fut la plus forte. »
«Dans ces pages, je réunis des histoires extrêmes de parents et d'enfants. J'en suis à moitié étranger : n'étant pas père, je suis resté nécessairement fils.» Autour de ce sujet très personnel de la filiation, devenu avec le temps un motif récurrent de son oeuvre littéraire, Erri De Luca compose un thème et des variations pleins de finesse. On y croise de jeunes vagabonds napolitains, la fille d'un nazi en cavale, la jeunesse révoltée de Mai 68 ou encore le directeur d'un orphelinat de Varsovie.Erri De Luca mêle dans ces récits l'intime à l'universel, et pose un regard riche et même poétique sur les rapports entre parents et enfants.
ENTRE 1868 et 1869, quatre très jeunes femmes convergent vers Lyon pour travailler dans la première branche mécanisée de l'industrie de la soie : « ovalistes », elles garniront les bobines des moulins (ovales) afin de donner au fil grège la torsion nécessaire au tissage.
Rien ne les destinait à se rencontrer, hormis la nécessité de gagner leur vie : Toia est piémontaise, le curé du village l'a recommandée au colporteur chargé de recruter des filles de bonne moralité comme ouvrières non qualifiées. Ne sachant ni lire ni parler le français, elle arrive seule à Lyon en diligence, l'adresse de l'atelier notée sur un papier qu'elle montre à qui pourra l'aider.
Il en va de même pour Rosalie Plantevin, originaire de la Drôme où sévit la maladie du mûrier : elle n'a pas trouvé à s'y employer pour nourrir son enfant, laissé en pension à sa soeur. Marie Maurier, elle, vient de Haute- Savoie, où son père est carrier. Vive, drôle, elle amusera tout le monde, dans son atelier de la Guillotière. La très blonde Clémence Blanc est la seule Lyonnaise du quatuor, que révolte la mort en couches de l'amie avec qui elle partageait un minuscule garni.
Dans une magnifique métaphore autour de la forme ovale - celle du moulin, celle du stade -, Maryline Desbiolles imagine ses quatre personnages en relayeuses se passant le témoin pour une course qui les mènera, non pas à un record, mais à devenir parties prenantes d'un événement d'importance : la première grève de femmes de l'histoire.
C'est en juin 1869 que Philomène Rozan, figure bien réelle que l'autrice met en scène en camarade d'atelier de Clémence, prend la tête du mouvement :
Pour énoncer leurs revendications salariales, demander de meilleures conditions de travail et de logement et poser un préavis de grève, les filles ont recours à un écrivain public. Les maîtres mouliniers font bien sûr la sourde oreille. Elles s'enhardissent pourtant et, pendant quelques jours, le mouvement va s'amplifier. Le livre avance alors au rythme exaltant d'une troupe féminine s'autorisant enfin à cesser de courber l'échine :
Nos quatre relayeuses y apparaissent comme en couleur, dans une foule anonyme en noir et blanc, titubantes dans l'élan de leur propre audace.
La course aura été belle, Philomène Rozan repérée par Marx lui-même pour participer au congrès de l'Association internationale des travailleurs à Bâle, en septembre de cette année 1869. Mais trois hommes iront finalement à sa place, dont Bakounine.
L'acuité, la poésie, l'humour, la concision de l'écriture font ici merveille pour donner voix et corps à ces oubliées de l'histoire.
« Rives et dérives » est un parfait sous-titre pour ce nouveau texte de Michèle Lesbre. Elle y emprunte des chemins de traverse afin de rejoindre une rivière, la Furieuse, dont le nom - sans qu'elle la connaisse - a résonné en elle de manière particulière. « Rives et dérives » pourrait également caractériser son beau parcours d'écriture, où petit à petit elle a délaissé la forme romanesque pour vagabonder dans une prose plus libre, plus voyageuse et rêveuse. Ce récit clairement autobiographique se lit comme un art poétique de l'écrivaine.
Voici comment elle évoque, à la première personne, son projet : « J'écris ce texte comme on s'échappe, comme un retour à un monde possible. Et cette échappée me conduit vers la Furieuse, petite rivière du Doubs, affluent de la Loue, où Courbet se baignait enfant, où il s'est baigné jusqu'à la fin de sa vie.
C'est le nom qui m'a séduite d'emblée, la Furieuse. Sans doute contenait-il toutes mes colères, il parlait de moi.
Ce n'est pas un roman, c'est le récit d'un voyage intime traversant aussi les oeuvres d'auteurs aimés qui ont descendu ou remonté fleuves et rivières, ont vécu sur leurs rives parfois (Magris, Esther Kinsky, Paolo Rumiz, Jean-Paul Kaufmann, Jean Rolin, Michèle Desbordes, Julien Gracq...).
C'est un appel au secours à l'enfance, petite patrie lumineuse en laquelle je retrouve un peu de paix. C'est peut-être même elle qui a suscité ce voyage, en réveille d'anciens, me console de ce monde, me rend ma liberté.
J'écris depuis plus de trente ans, jamais de livre autobiographique, mais mes romans sont tous écrits à la première personne. J'aime cette phrase de J.-B. Pontalis, à propos du je utilisé dans un de ses livres : «Ce n'est pas un je autobiographique, c'est le je qui s'écrit. »
Fandango est l'une des plus longues nouvelles d'Alexandre Grine. Si elle ne fut publiée qu'en 1927, la date de sa rédaction remonte certainement à 1924, année de parution de L'Attrapeur de rats, dont l'intrigue est rigoureusement contemporaine.
Fandango s'appuie sur la confrontation entre la réalité (Petrograd en 1921, le froid et la faim) et le monde fantasmagorique de la peinture: un homme traverse un tableau pour se retrouver dans un univers imaginaire.
On y retrouve, non pas en toile de fond, mais au premier rang, le Pétersbourg affamé et dévasté des années d'après-guerre, un héros famélique, et surtout plusieurs détails qui en font une sorte d'oeuvre miroir et la rattachent à L'Attrapeur de rats aussi solidement que si l'auteur y eût écrit le mot « suite ».
Avec une langue précise et inventive, Lou Darsan pose des questions essentielles sur l'amour, le couple et ses représentations, mais aussi sur chaque tentative de vivre ensemble. Elle cartographie avec finesse nos désirs et nos failles, révélant brillamment les tensions qui nous parcourent. Dans un golfe étroit veillé par des montagnes jumelles et des forêts ogresses, un couple traverse l'obscurité de l'hiver boréal pendant plusieurs semaines. Deux solitudes, deux funambules qui marchent à gestes et pas comptés sur une ligne entre sauvagerie et civilisation, monde animal et humain. L'une, toutes les saisons la disent bienheureuse. L'été, elle se déploie et se rassasie de chaleur et d'odeurs sur des routes méditerranéennes ; l'hiver, elle se dépouille de son tourbillon de vie dans un chalet après des mois de mouvement. L'autre l'accompagne pour ce séjour dans le Grand Nord, esquissant jour après jour les paysages qui l'entourent, les êtres rencontrés... Nomade dans l'âme, sa présence fascine et intrigue la narratrice. Pour les deux c'est le début d'un voyage immobile, des heures qui s'abolissent, des parenthèses introspectives et oniriques qui sont comme autant de fenêtres ouvertes sur nos imaginaires.
« Écoute, le sol se dérobe, les mots dérapent ; partout, nos appuis s'érodent. Nous vivons «au-dessus» du monde, dans des bulles d'histoires ; ce que nous voyons, au loin, depuis cette hauteur, c'est une Terre abîmée, épuisée. Nous entrons dans un temps vertigineux. Et moi, figure-toi, avec les livres qui m'ont accompagné, j'ai voulu saisir les formes de ce vertige. Comprendre cette guerre, ce combat, et cette blessure, entre les langages humains et les autres formes de la vie. ».
Une histoire du vertige, à sa façon unique, est un livre d'aventures. Il s'ouvre sur la cavale de Don Quichotte : cet être envoûté par la fiction, et qui nous ressemble tant. Et à partir de là, il tourne inlassablement autour d'une espèce : la nôtre, en se demandant comment nous détruisons nos appuis terrestres ? Fresque du temps présent, de nos vertiges face à la crise écologique et aux épreuves de la guerre, le livre s'adresse à un lecteur imaginaire : un ami, un frère ou une soeur, un compagnon. Il parle de nous, de notre perte d'équilibre, de notre sentiment que plus rien ne tient, que tout s'effondre ; mais en nous apprenant, petit à petit, à tenir dans le vertige. En nous reliant à un monde infini, beaucoup plus vaste, où les petits « Je » des modernes s'effacent.
Des champs sauvages, trois fermes, une école à classe unique à l'ombre d'un orphelinat abandonné. Au village, on dit que toutes ses pensionnaires y sont mortes d'un coup, fauchées par la grippe espagnole au lendemain de la Grande Guerre. On ne sait rien de plus. Une enfant refuse l'oubli. Les orphelines sont ses fées. Alors, quand des promoteurs débarquent pour construire un lotissement à l'endroit de leurs tombes, elle promet de revenir, adulte et conquérante. De sauver la colline et ses légendes.
Dans ce premier roman somptueux, Isabelle Rodriguez réactive l'imaginaire propre au temps de l'enfance. Sa langue sensuelle et incantatoire convie le mystérieux et le sacré, la beauté des campagnes et la culture ouvrière des monts du Lyonnais où elle a grandi et où elle est revenue vivre. Magnifique réflexion sur l'héritage et la préservation des traces, Les Orphelines du mont Luciole prolonge son travail de plasticienne dédié aux oubliés de l'histoire.
Sublime roman [...] Harlem Shuffle est un page turner comme Colson Whitehead sait si bien en faire. Livres HebdoPetites arnaques, embrouilles et lutte des classes... La fresque irrésistible du Harlem des années 1960.Époux aimant, père de famille attentionné et fils d'un homme de main lié à la pègre locale, Ray Carney, vendeur de meubles et d'électroménager à New York sur la 125e Rue, « n'est pas un voyou, tout juste un peu filou ». Jusqu'à ce que son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem...Chink Montague, habile à manier le coupe-chou, Pepper, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Miami Joe, gangster tout de violet vêtu, et autres flics véreux ou pornographes pyromanes composent le paysage de ce roman féroce et drôle. Mais son personnage principal est Harlem, haut lieu de la lutte pour les droits civiques, où la mort d'un adolescent noir, abattu par un policier blanc, déclencha en 1964 des émeutes préfigurant celles qui ont eu lieu à la mort de George Floyd.Avec Harlem Shuffle, qui revendique l'héritage de Chester Himes et Donald Westlake, Colson Whitehead se réinvente une fois encore en détournant les codes du roman noir. C'est vivant, bruyant, caracolant. C'est Whitehead. L'Obs Un réjouissant tourbillon [...] Une belle leçon d'histoire et d'humanité en mode thriller. Les Echos
Isabel Rawsthorne est la créatrice d'une oeuvre picturale secrète et méconnue. On a surtout retenu d'elle et de sa vie aventureuse qu'elle fut l'amante solaire et le modèle d'Alberto Giacometti. Francis Bacon confia qu'Isabel fut son unique amante. Elle fut encore son amie, son modèle, sa complice jusqu'à la fin. Elle posa d'abord pour le sculpteur Epstein, pour Balthus, Derain. Picasso fit plusieurs portraits d'elle sans qu'elle cède à ses avances.
À travers Isabel, son foyer magnétique et sa liberté fracassante, on assiste à une confrontation entre deux géants de la figuration, Bacon et Giacometti. Au moment même où triomphe l'abstraction dont ils se détournent avec une audace quasi héroïque. Bacon, scandaleux, spectaculaire, carnassier, soulevé par une exubérance vitale irrésistible mais d'une lucidité noire sur la cruauté et sur la mort. Giacometti, poursuivant sa quête d'une ressemblance impossible, travailleur obsessionnel jusqu'à l'épuisement. Chez Isabel, la mélancolie alterne avec l'ivresse vagabonde.
Des années 30 à la fin du siècle, telle est la destinée de ce trio passionné, d'une extravagance inédite, partageant une révolution esthétique radicale et une complicité bouleversante.
La cour est vide. La maison est fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison. Elle n'y entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas aux approches de la Toussaint, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.
Années 1960. Isabelle, Claire et Gilles vivent dans la vallée de la Santoire, avec la mère et le père. La ferme est isolée de tous.
Comment se faire un nom ?
Comment émerger de la masse ?
Comment s'arracher à son insignifiance ?
Comment s'acheter une notoriété ?
Comment intriguer, abuser, écraser, challenger ?
Comment mentir sans le paraître ? Comment obtenir la faveur des puissants et leur passer discrètement de la pommade ? Comment évincer les rivaux, embobiner les foules, enfumer les naïfs, amadouer les rogues, écraser les méchants et rabattre leur morgue ? Comment se servir, mine de rien, de ses meilleurs amis ? Par quels savants stratagèmes, par quelles souplesses d'anguille, par quelles supercheries et quels roucoulements gagner la renommée et devenir objet d'adulation ?
Elsa a sept ans lorsque sa mère devient pour la première fois propriétaire. Dans le nouvel appartement, il y a une moquette vert menthe à poils ras, une chambre bleue avec des lits superposés, un frigidaire jaune, un palmier dans le crépuscule sur un mur de la salle de bains. La nuit, la mère ne dort pas. Elle fume. Blottie sous sa couette, l'enfant regarde les cloques qui boursoufflent le plafond.
L'Âge de détruire est l'histoire d'une violence qui passe de mère en fille. Un cycle infernal, dont il faudrait s'échapper ; et pour cela avancer jusqu'à atteindre, peut-être, l'âge de détruire.
«Je ne savais pas que les enfants avaient failli se faire tuer dans le volume précédent.Quand j'ai appris que c'était Pépère qui avait fait le coup, j'ai pigé un truc : qui ne connaît pas Pépère ne sait pas de quoi l'être humain est capable.»Benjamin Malaussène
Les villes changent et Lyon n'est pas le même d'un siècle à l'autre. À une ville du travail, lente et insoucieuse des jugements portés sur ses apparences, a succédé, de façon accélérée au cours des deux dernières décennies, une ville qui s'expose, exclut ses classes populaires et où l'argent, qui se devait de ne pas paraître, s'est fait aussi arrogant qu'ailleurs. De la condamnation des traboules au destin de l'hôpital de l'Hôtel-Dieu, les témoignages d'un cours nouveau abondent. C'est quelques-uns de ces aspects que cette Lettre de loin s'emploie à décrire, sensible à ce que Lyon offre toujours, mais alertée par ce qui s'y dérobe, à la recherche des facteurs à l'oeuvre et de leur traduction sociale et politique, guidée par l'hypothèse mélancolique qu'une forme séculaire de culture urbaine touche peut-être à sa fin.
Regarder passer les bateaux sur le fleuve Douro, au Portugal, se promener dans la nuit de Kyoto, voir filer les poissons sous un petit pont de bois de Takayama, jouer au pachinko à Tokyo, marcher sur les rives d'un lac du Colorado, faire un tour à scooter dans Paris, flâner sur une plage normande, ça vous dirait? Ah, les voyages que ça permet, la lecture, ah, l'espace idéal que c'est, un roman, où on peut circuler d'un lieu à l'autre, librement.
« Qu'importe l'éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l'infini de la jouissance. » (Baudelaire) Tel serait l'esprit de cette saga lapidaire - un siècle de fureur et de sang que va traverser Valdas Bataeff en affrontant, tout jeune, les événements tragiques de son époque.
Au plus fort de la tempête, il parvient à s'arracher à la cruauté du monde : un amour clandestin dans une parenthèse enchantée, entre l'ancien calendrier de la Russie impériale et la nouvelle chronologie imposée par les « constructeurs de l'avenir radieux ».
Chef-d'oeuvre de concision, ce roman sur la trahison, le sacrifice et la rédemption nous fait revivre, à hauteur d'homme, les drames de la grande Histoire : révolutions, conflits mondiaux, déchirements de l'après-guerre. Pourtant, une trame secrète, au-delà des atroces comédies humaines, nous libère de leur emprise et rend infinie la fragile brièveté d'un amour blessé.
Gabriel Byrne a grandi dans une famille modeste des faubourgs de Dublin, où il est né en 1950, l'aîné de six enfants : son père était tonnelier chez Guinness, sa mère infirmière. Enfant introverti, il a tôt trouvé refuge dans l'imaginaire, au milieu des collines qui entouraient alors la maison familiale, ou dans les salles de cinéma où l'emmenait sa grand-mère. À onze ans, il répond à l'appel de la prêtrise, se voyant déjà missionnaire.
Mais il déchante vite, notamment quand il apprend que l'équipe de foot de Birmingham, ville la plus proche du séminaire où il va tout de même passer quatre années de sa jeune vie, a été reléguée en deuxième division? Renvoyé pour rébellion, il se retrouve, à quinze ans, dans sa ville natale, y collectionne les petits boulots, et les échecs : « Je me sentais un raté, comme plombier et comme prêtre », écrit-il. Sa passion pour le cinéma et le théâtre, où il passe l'essentiel de son temps libre, l'encourage à surmonter sa timidité et à s'engager dans une troupe d'amateurs, décision qui change sa vie.
Grâce au feuilleton Les Riordan, que le pays entier regardait toutes affaires cessantes sur l'unique chaîne de télévision, il devient vite une célébrité. Et John Boorman, qui l'a vu sur les planches à Dublin, lui propose bientôt un rôle dans Excalibur. Pourtant, son livre n'a rien de ces mémoires de star où s'enchaînent les anecdotes avantageuses.
Bien au contraire : construisant son récit de manière non linéaire, Gabriel Byrne revient sans cesse à l'enfant qu'il a été, à son attachement pour sa famille, à l'évocation des figures excentriques qu'il côtoyait dans son quartier, avouant qu'elles ont été les premières à lui donner l'amour de la scène. Et quand, dans le récit, surviennent les faits marquants de sa vie de comédien, c'est avec un humour discret mais constant qu'il les évoque :
Sa leçon d'équitation à Hyde Park, avec une Américaine jurant comme un charretier, qui se révélera être Ava Gardner ; sa cuite mémorable avec Richard Burton sur un balcon du palais Gritti à Venise, alors qu'il venait d'être défiguré lors d'un incident sur le tournage d'une série consacrée à Wagner. Il y jouait un petit rôle : « j'allais travailler avec quelques-unes des plus grandes stars du monde : Burton, Richardson, Olivier, Gielgud et Redgrave. Ou, du moins, j'allais pouvoir les regarder travailler. J'avais dix lignes à dire dans six pays différents. » Mal à l'aise avec la notoriété, au point de s'enfuir de Cannes, en 1995, au moment où tous les objectifs sont braqués sur lui lors de la projection d'Usual Suspects, Gabriel Byrne ne cache rien non plus, malgré une profonde pudeur, de ses dérives, de ses angoisses ni de son addiction à l'alcool.
Remarquable par la qualité de sa prose et la fluidité de sa construction, ce livre poignant, où l'autodérision le dispute à une véritable force poétique, est une magnifique confession sur l'ambivalence de la gloire, en même temps qu'un très bel hommage aux êtres et aux paysages familiers à qui l'on doit tout.
Si on veut, c'est Marseille et on l'appelle Mahashima.
Legudo, ce sont les Goudes.
Et Manosque se dit Manosaka.
Les collines, en tout cas, n'ont pas beaucoup changé.
À Mahashima, longtemps capitale d'un royaume sans importance, Ryoshu mesure son bonheur de vivre heureux dans une ville heureuse.
Un matin, il se met tout de même en marche pour aller revoir, non loin, les paysages de son enfance. En suivant le rivage, en gravissant les collines, il se remémore la période de troubles qui a marqué sa jeunesse, puis ce caprice du pouvoir à l'origine de la plus belle saison qu'on ait connue : le déplacement de la capitale, quand Mahashima fut subitement abandonnée par les puissants.
L'histoire a peut-être lieu dans le futur, mais on y voit des pans entiers de notre époque, des clans guerriers, comme dans le Japon médiéval, et une lumière qu'on avait oubliée.
C'est un monde renversé sans violence, ou presque, et qui retrouve son équilibre en ayant renoncé à durer toujours.
Un couple au bord de la séparation s'offre un séjour en Sicile pour se réconcilier.
A quelques kilomètres de l'aéroport, sur un chemin de terre, leur voiture de location percute un objet non identifié. Le lendemain, ils décident de chercher un garage à Taormine pour réparer discrètement les dégâts.
Une très mauvaise idée.
Après De Pierre et d'os (200 000 lecteurs), Bérengère Cournut revient avec un nouveau roman. Avec une fantaisie qui n'appartient qu'à elle, l'autrice nous conte le destin d'une mère qui s'évapore de la maison et laisse un trio pas banal d'enfants livrés à eux-mêmes. Des contrées de l'enfance jusqu'à la découverte du grand Nord, c'est un nouveau voyage qui commence....
Odile a disparu, laissant derrière elle son mari Ferment et leurs trois enfants. Privés de la présence maternelle, Béguin, Chiffon et la jeune Zizi Cabane doivent trouver un nouvel équilibre. Mais rien ne se passe comme prévu dans la maison. Une source apparaît dans le sous-sol, et veut absolument rejoindre le ruisseau du jardin. Un drôle de vent rôde. Et tandis que tante Jeanne essaie de ramener un peu de raison là dedans, Marcel Tremble, faux grand-père surgi de nulle part, accompagne avec tendresse la folie de ces êtres abandonnés. Que vont devenir les chagrins ? Sur quelles pentes vont-ils désormais rouler ?
Après le voyage arctique de De pierre et d'os, Bérengère Cournut réussit une nouvelle fois l'invraisemblable : mêler la poésie à la prose pour dire en souriant la douleur, associer le quotidien aux rêves pour réinventer avec force un chemin de vie.
Nageurs et nageuses de cette piscine que tous appellent là en bas ne se connaissent qu'à travers leurs routines et petites manies, et les longueurs, encore, encore. Ils y viennent à heure fixe pour se libérer des fardeaux de là-haut.Alice, tout spécialement, trouve un grand réconfort dans sa ligne de nage. Et puis un jour, une fissure apparaît au fond, dans le grand bain, en préfigurant d'autres, celles de son cerveau. Pour elle, l'inéluctable fermeture résonne comme un clap de fin. Remontent alors à la surface des souvenirs de jadis, de l'internement dans un camp pour Nippo-Américains pendant la Seconde Guerre mondiale, d'une enfant perdue très tôt, pourtant si parfaite... Mais Alice oublie chaque jour un peu plus.Là où il faudra bien se résoudre à l'enfermer, sa fille essaie de sauver quelques lambeaux du paysage fracturé qu'est devenue leur relation lacunaire.