Littérature
-
Cet essai atypique se présente sous la forme d'une suite de courts textes, comme autant de tableaux urbains arrachés de la fenêtre d'une voiture. Véritable non-ville, Zéropolis, Las Vegas annonce le futur de nos métropoles. Mais l'auteur sait également être sensible à la poésie des motels et la beauté des cimetières d'enseignes au néon ; sa «méthode», toute de finesse, part d'observations de détails précis pour en extraire la dimension sociologique, politique et philosophique.
-
L'île éveille d'ordinaire tout l'imaginaire des fictions utopiques. Or, ici, elle devient le lieu idéal du ParK, condensé insolite de toutes les formes de parcs imaginés par les hommes. Le cerveau du projet, Litch, y vit dans une tour d'ivoire. Il est le théoricien de ce qu'il nomme la neuro-architecture, fondée sur les ressorts les plus subtils de la psychologie humaine. Le ParK est un laboratoire à ciel ouvert où s'expérimentent, à la vue de tous, les pratiques futures et coercitives du contrôle social. À la manière des hommes qui y vivent, prisonniers de leur cadre de vie, le lecteur explore à son corps défendant ce lieu étrange, se heurte à l'insolite et à l'effroyable. Il s'invite à l'une des tables de jeux de l'hôtel casino Todeskamp 1, le bruit des machines à sous se mêlant au couinement plaintif de sommiers. Il pénètre les Quartiers des solitaires ou se retrouve, dans le Conservatoire des Cris, à entendre les infinies nuances de la souffrance humaine... Bien qu'élu, l'âme de cet aventurier d'un genre nouveau est mise à mal malgré les plus beaux atours de l'enchantement. Une critique irrévocable des conditions de refoulement de l'angoisse. Un monde de divertissement poussé à son extrême, revers cynique des industries du spectacle actuelles. Une visite guidée effroyable, qui renouvelle le roman d'anticipation et tient en haleine son impétrant.
-
Il serait difficile de nier que les ruines occupent une place de plus en plus grande dans l'imaginaire de notre temps. Nous ne parlons pas ici des ruines antiques et gothiques, mais de l'espace délabré des villes contemporaines, comprenant les usines désaffectées, les gares abandonnées, tous les lieux oubliés de la modernité. L'aura noire d'une ville comme Detroit, Pompéi actuelle de la désindustrialisation, nimbe chaque bâtiment délaissé du monde. Elle est devenue en quelque temps la Mecque de l'exploration urbaine, dont le Detroit's Michigan Theater transformé en parking représente le cube de la Kaaba autour duquel tournoient les nouveaux pèlerins du Hajj de la dévastation urbaine. La ruine industrielle appartient encore pour une grande part au culte classique du monument effondré. Elle en rejoue la grandeur passée, l'évocation nostalgique de la civilisation fragile et mortelle. Dans les colonnes d'un temple ruiné ou dans les usines en friche, ce sont encore les beaux restes d'un Empire que l'on loue. Nous sommes entrés dans le troisième âge de la ruine. Après le temps des ruines antiques, puis celui ces ruines modernes, voici l'ère de la ruine instantanée, de la ruine du présent lui-même qui, née de l'urgence et vaincue par elle, ne dure plus, mais s'efface au moment même de son édification.
-
Quelle ville contemporaine, parmi la myriade des cités qui ont connu une explosion démographique sans pareille ces cinquante dernières années, devrions-nous choisir pour accéder au sens de notre époque, afin d'espérer entrevoir le secret de notre présence au monde ? Los Angeles, ville indéfinie et précaire, «helldorado» urbain. Avec ce livre, Bruce Bégout achève son oeuvre critique sur les grandes métropoles qui font le contemporain.
-
Dans cet essai concis, historique et philosophique, Bruce Bégout passe en revue le rapport complexe des situationnistes à la question urbaine. Les relations des situationnistes et de la ville forment, selon la belle image qu'emploie Debord, une sorte de « Pompéi inversée », les « reliefs d'une cité qui n'a pas été édifiée ». Comme un archéologue peu soucieux de son temps, qui baguenaude, inspecte et collecte ici et là, ce texte examine les magnifiques ruines de cette utopie avortée qui prit naissance au début des années cinquante et stupéfia, pour une grande part, l'esprit d'une époque.
-
C'est à l'Institut médico-légal, surnommé L'Hôtel, que se croisent les personnages interlopes de ce roman noir. Le narrateur, directeur de ce lieu déroutant, décrit la lente dépravation de son institution.
Suite à sa rencontre avec Valère, producteur de films pornographiques, il accepte une étrange proposition :
Que l'Institut abrite un club clandestin... Dehors, un mal jaune se propage.
«Cloaque nauséabond», l'Institut devient l'antre d'une véritable fête des morts. La succession de chapitres courts et nerveux dit l'ascension irrémédiable du récit vers une apothéose de la folie. Aussi affutée que le scalpel du narrateur qui dissèque les cadavres, la plume de Bruce Bégout nous entraîne aux confins d'une extase ultime, d'une décomposition totale : celle des corps, des êtres et du récit.
-
Sphex : fantaisies malsaines
Bruce Bégout
- L'Arbre Vengeur
- L'arbuste Vehement
- 16 Septembre 2021
- 9782379411298
Les insectes sont plus inventifs que cruels : le sphex paralyse ses proies pour qu'elles servent de nourriture à ses larves. C'est sous le signe de cet insecte sans pitié que Bégout a choisi de placer ses nouvelles cruelles. Reprenant une forme qui fit la gloire de Villiers, Lorrain, Barbey ou Borel mais avec l'éclairage violent de notre modernité, il nous invite à un étrange voyage dans son imaginaire. Au coeur d'un monde devenu précaire, dans ces décors dévastés que nous ne voyons plus, il invente des histoires glaçantes, des situations extrêmes ou des portraits terribles qui vont brouiller le quotidien qui les a faits naître. Moments où tout bascule dans le ridicule, la terreur ou simplement le bizarre, ces trentesept nouvelles vont vous emmener très loin: à côté de chez vous...
-
Lorsqu'il arrive, en août 1938, à Fribourg-en-Brisgau, Leo Van Breda, jeune père franciscain et étudiant en philosophie à l'Université de Louvain, est loin de se douter de ce qui l'attend. S'il se rend dans l'Allemagne nazie, c'est qu'il veut consulter pour son travail de thèse des inédits de Husserl, philosophe d'origine juive, mort quelques mois plus tôt. Mais la situation est difficile. La veuve de Husserl vit à l'écart, isolée par les mesures antisémites du régime, nous sommes à la veille de la crise de Munich, tout est imprégné par un climat de paranoïa et de terreur.
Lorsqu'il parvient enfin à rencontrer Malvina Husserl, il se rend compte de la masse énorme des écrits que son mari a laissée. Plus de quarante mille pages de manuscrits. Alors, sous le coup d'une impulsion soudaine, il décide de les sauver de la destruction probable et, abandonnant son travail de recherche, se lance dans le tourbillon de l'Histoire. Il ne sait pas que la Gestapo est déjà sur ses traces.
Romancier, Bruce Bégout est notamment l'auteur de On ne dormira jamais (Allia, 2017). Egalement philosophe, et spécialiste de la phénoménologie de Husserl, il s'empare dans Le sauvetage d'un de ces fascinants détails de l'histoire, dont ce sont parfois des héros méconnus qui détournent le cours.
-
Révéler ce que l'extraordinaire a d'ordinaire : voici ce qui relierait les nouvelles de ce recueil. Chacune s'attache à des personnages singuliers, souvent seuls et désarmés, aux prises avec l'époque dans ce qu'elle a de plus excessif et de violent. Portraits de maniaques, de désaxés, d'originaux qui luttent contre "le dispositif", ainsi qu'ils nomment la combinaison d'airain de la marchandise, de la technologie et du spectacle. Bruce Bégout procède à l'inverse du film d'horreur : il désigne ce que l'insane lui-même a d'ordinaire. D'où les situations paradoxales ici mises en scène. Dans Signes particuliers : néant, un architecte conçoit, à la solde de l'État, un édifice destiné à aider les gens à se suicider. Dans Le Compteur des féminicides, suite à une injonction ministérielle, un homme dénombre les femmes tuées dans les séries, films ou vidéos. Certaines nouvelles nous plongent dans le malaise quand d'autres flirtent avec le fantastique.
Bégout invente ici un ton, qu'il qualifie de "post-gothique". Dans ces récits, l'effroi, le mal, la terreur n'expriment pas seulement la fragilité psychologique des personnages face aux forces des ténèbres, mais aussi le potentiel de nuisance de l'époque. Ses vampires prennent la forme d'appareils, de produits, d'architectures mais aussi de représentations sociales, d'injonctions et de tics de langage. Bruce Bégout traque les démons non pas dans les châteaux hantés, les ruines, les églises, les forêts et les cimetières mais dans les parkings, les centres commerciaux, les banlieues pavillonnaires, la suburbia mondiale. Mais qu'en est-il de la résistance, volontaire ou non, de ces personnages dans le contexte morbide qui les broie ? Bégout manie l'humour noir, qui peut parfois triompher du réel. La raison reprendra-t-elle néanmoins ses droits ? Parviendra-t-elle à expliquer la part de fiction et de non-sens qui régit le quotidien ?
-
Histoires sans chute, amorces de récits, nouvelles tronquées, expériences vécues et inventées, impressions et réflexions, ce livre rassemble, tel un carnet de voyage métaphysique et charnel, quelques facettes de la route américaine : chambres de motel, stations-service, restoroutes, parkings, centres commerciaux, etc. C'est là, dans cette banlieue illimitée, dévastée par la misère culturelle et la barbarie marchande, que l'auteur traque le presque rien de nos existences standardisées, non sans y découvrir encore des possibilités de rencontres inopportunes, d'errances libératrices, de réveils enchanteurs.
-
Nous sommes dans la suburbia lorsque nous prenons la voiture pour aller acheter notre pain. Nous sommes dans la suburbia là où les livreurs de pizzas errent le soir sans fin dans des rues mal éclairées. Nous sommes dans la suburbia quand tous les bâtiments commencent à ressembler à des stations-services. Nous sommes dans la suburbia lorsque les galeries marchandes constituent le lieu favori de promenade dominicale.
Bruce Bégout signe un essai inédit sur la suburbia, ces banlieues infinies où sont massés les habitants des sociétés contemporaines. Philosophe et écrivain français, il est maître de conférences à l'université de Bordeaux. Il a publié plusieurs ouvrages philosophiques, quatre essais aux éditions Allia (Zéropolis : L'expérience de Las Vegas, 2002 ; Lieu commun : Le motel américain, 2003 ; La Découverte du quotidien : Éléments pour une phénoménologie du monde de la vie, 2005 ; De la décence ordinaire, 2008), mais aussi un "documentaire fiction" à la manière de certains cinéastes tiré de son roman L'Éblouissement des bords de route (Éditions Verticales, 2004).
-
Maine de biran, la vie interieure
Bruce Bégout
- Rivages
- Rivages Poche ; Petite Bibliotheque
- 14 Septembre 1995
- 9782228889193
Maine de Biran (1766-1824) naquit à Bergerac et consacra une partie de son temps aux charges publiques : conseiller général de Dordogne en 1802, sous-préfet en 1806, membre du Corps législatif en 1812, mais dénonçant en 1813 la politique guerrière de Napoléon, il traverse avec bonheur tous les régimes.
C'est que l'essentiel, pour lui, est dans les travaux philosophiques auxquels il consacre le plus clair de son temps. Novateur, c'est un philosophe du " sentiment de l'existence ", à la différence de ses prédécesseurs qui réduisent le moi au sujet connaissant. Il introduit dans la pensée une dimension " existentielle " dont on retrouvera les échos plus d'un siècle après, et qui lui permet de construire une philosophie du sujet qui s'appuie sur la subjectivité : le moi est fluctuant, changeant, douloureux...
Notre existence commence par le sentiment, qui permet l'émergence du concept de " vie intérieure ". Une théorie originale du moi se construit, avant Bergson, avant Freud, avant l'existentialisme. Cette anthologie, centrée sur le thème de la " vie intérieure ", permet de rendre compte au mieux de la complexité de sa pensée. Six chapitres réunissent des textes de quelques pages qui présentent chacun un thème, un aspect de sa réflexion, et donnent la possibilité de se familiariser avec son univers.
-
Fantaisies malsaines.
Trente-quatre nouvelles ou textes courts et un épilogue composent ce livre dont le projet vise à adapter des thèmes de la littérature décadente au contexte de la suburbia du XXI° siècle. Inscrit dans une esthétique de la cruauté chère aux écrivains du XIX°, il prolonge dans ces fictions un travail entamé avec l'Eblouissement des bords de route. Chaque texte cherche à mettre en évidence des moments - comme des éclats visuels - de chute dans la terreur, le ridicule ou le bizarre. Il y est le plus souvent question d'obsessions, de monomanie, d'un jeu dangereux avec la folie et le dérèglement, avec pour toile de fond cet univers urbain si peu utilisé dans la littérature française : hôtels discount, centres commerciaux, banlieues pavillonnaires mornes, lieux anti-romanesques par excellence.