Verticales
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Ils l'ont d'abord expérimentée sur des chiens, des singes, des morses et des éléphanteaux : un carnage.
Puis ils l'ont essayée sur un condamné à mort :
Court-circuit. finalement edison a remporté le marché et tout le monde ou presque s'y est mis. et voilà plus d'un siècle que la chaise électrique remplit outre-atlantique son office. howard hordinary - bourreau de pennsylvannie au chômage technique - a désormais tout loisir de se livrer dans sa cave à d'autres expériences. assis sur la chaise, il se surprend à remonter le cours d'une généalogie imaginaire au gré de décharges successives.
Et chaque nouvelle séance l'électrise un peu plus, au contact du grand illusionniste houdini et de szuszu, la putain magnétique. il lui suffit d'augmenter le voltage et de laisser parler la chair.
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" Une crampe m'obligea à bouger les lèvres, rien ne vint, j'étais soûl, dissous, absous, j'étais tout entier dans la démarche de Marion, j'étais ses cuisses qui se frôlaient, ses mollets, ses pieds, j'étais l'air qu'elle éventrait sereinement de sa silhouette, l'ombre qu'elle jetait en avant d'elle, je voulus m'agenouiller et nouer le bout de lacet qui serpentait dans la poussière du soir à chaque pas que Marion faisait et défaisait, oui, le nouer, mais autour de mon cou - puisqu'il paraît qu'un rien de strangulation ne nuit pas aux élans de la chair ".
C. C.
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C'est l'histoire d'un fou d'amour qui défait le monde comme d'autres le font : furieusement. À l'insu de Flaubert, certes, mais du fond de son gueuloir. Encore sous le choc de sa rupture avec une certaine Estée, le narrateur s'abandonne corps et âme à la lecture. Il jette son dévolu sur Madame Bovary, un roman qui lui est si familier. Une nouvelle fois, le voilà dedans. Il s'y enferme, s'y promène, s'y démène, avant d'en bouleverser le déroulement naturel. Démiurge dépourvu de scrupule, il endosse diverses identités parasites : puce, voyeur, pique-assiette, rôdeur et passager clandestin de la nef flaubertienne en déroute. Sa mise à mal du texte le conduira aux limites de la négation de soi. Pas très loin du Nirvana ? Avec Madman Bovary, la langue de Claro, maintenue sous tension par la démesure de ce défi littéraire, n'a jamais autant joui de sa propre liberté, entre cut-up musical et sabordage érotique.
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«Elle s'appelle Méduse. Sa chevelure est un nid de serpents, son coeur un miroir brisé. Et, bien sûr, son regard tue. Ses amants pétrifiés s'entassent dans le jardin. Ça ne peut pas durer. Ça ne durera pas. Elle part, direction la côte normande, en quête d'une proie digne de ce nom.
Il s'est auto -proclamé ghost-sniper et il sait viser. Il a refermé la porte sur son passé, le voilà prêt à faire le ménage. Ça ne peut pas durer. Ça ne durera pas. Embusqué dans un bunker, il guette sa dernière victime.»
Après avoir entrecroisé, dans Chair électrique, les vies d'un bourreau américain ordinaire et les frasques extraordinaires du magicien Houdini, Claro s'invente un autre grand écart narratif : le thriller mythologique.
Deux figures millénaires celle de Méduse et celle du Cyclope reprennent vie dans le monde d'aujourd'hui :
la première en femme fatale derrière ses lunettes noires, le second en tireur embusqué dans son bunker. L'une amante en série, l'autre tueur en série.
D'où cette serial fiction, construite selon deux cheminements parallèles et fragmentaires qui donne à voir sous toutes ses formes (zoologique ou balistique) tout l'arbitraire du désir. Et s'il s'agit bien ici d'un précis d'anatomie, c'est d'emblée comme une préhistoire de l'oeil, de ce regard prédateur qui minéralise ou met en joue l'être aimé, de cette vision qui n'est que visée, de cette pulsion qui cible son objet et le déréalise à mesure, qui atteint l'autre sans espoir d'être jamais touché en retour. Bref, d'un désir à sens unique, pur
impact n'accédant jamais à l'altérité. Jusqu'au moment précis où et c'est l'effet de miroir saisissant de ce livre, les deux lignes de fuite de ces tueurs solitaires vont se faire face. Se toiser, se reconnaître, se combattre d'égal à égal.
De ce duel improbable va naître l'ultime dénouement de Bunker anatomie, son suspense homicide et son épilogue littéralement, paisiblement, tout simplement, amoureux.
Une anti-fable à géométrie variable donc, qui prend le lecteur à témoin, ou plutôt, en ligne de mire.