Dans L'Institution imaginaire de la société, Cornelius Castoriadis expose ses « idées mères » - l'être comme création, l'imagination comme spécificité de la psyché, à laquelle répond l'imaginaire social des collectivités humaines, le projet d'autonomie... Ce premier volume des Carrefours du labyrinthe, qu'il a élaboré parallèlement, entreprend de mettre à l'épreuve la fécondité de ses idées et s'oppose par là même à la prétention scientiste là où elle s'est installée : psychanalyse, linguistique, économie politique.
" Le régime a écarté de lui-même les quelques moyens de contrôle que cent cinquante ans de luttes politiques, sociales et idéologiques avaient réussi à lui imposer. [ ... ] Les firmes transnationales, la spéculation financière et même les mafias au sens strict écument la planète, guidées uniquement par la vision à court terme de leurs profits. " Ces jugements pouvaient sembler excessifs quand ils furent formulés il y a une quinzaine d'années par Cornelius Castoriadis. Il n'en est peut-être plus de même aujourd'hui. Face à la réalité d'un monde caractérisé par la destruction des significations, la décomposition des mécanismes de direction et le retrait des populations de la sphère politique, Castoriadis a défendu inlassablement - comme on peut le voir dans cet ensemble d'entretiens et de débats - le projet d'une société autonome : une société réellement démocratique qui se donne ses propres lois et où tous participent effectivement aux affaires communes.
"Ni fait ni à faire", disaient autrefois les dames bourgeoises du travail de leurs bonnes quand elles en étaient mécontentes. Fait et à faire pourrait être le sous-titre de tout travail philosophique digne de ce nom. Nous ne philosophons pas pour sauver la révolution, mais notre pensée et notre cohérence. La philosophie est la prise en charge de la totalité du pensable - et il nous faut penser ce que nous faisons. La voie de la philosophie s'ouvre nécessairement lorsqu'on réfléchit aux sciences et à leur histoire. Mais, plus encore, la réflexion du social-historique et du psychique est philosophiquement privilégiée. Société, histoire, psyché ne sont pas des conditions extérieures et triviales de la philosophie. Elles lui fournissent l'élément de son existence et, surtout, elles s'expriment dans la philosophie. Car la philosophie, création de significations, est oeuvre de l'imaginaire des sociétés et de l'imagination des êtres humains singuliers.
Les trois parties de l'ouvrage éclairent chacune une facette de la pensée politique de Castoriadis. La première propose un ensemble sur les rapports entre écologie et politique et met en relief la profondeur de sa pensée sur des questions comme le rôle de la technique ou les rapports entre savoir et pouvoir. Y ont été joints quelques échanges avec J. Ellul, qui a joué un rôle pionnier dans l'étude critique de la technique.
La deuxième est un choix substantiel de sa correspondance politique avec d'anciens camarades, des philosophes, un philologue...
Des inédits, enfin, traitant de l'imaginaire social, des rapports entre éthique et politique ou des imaginaires religieux et nationaux complètent le volume. Écrits il y a plus de trente ans, ces textes sont pourtant on ne peut plus actuels.
À travers des textes qui s'échelonnent de 1947 à 1978, le lecteur suit le chemin qui va des considérations du jeune Castoriadis marxiste sur le « capitalisme décadent » et la guerre comme aboutissement du processus de concentration des forces productives à ce que le Castoriadis d'âge mûr appelle ses « résultats ».
La première partie reprend deux articles parus en 1953- 54 dans la revue Socialisme ou Barbarie auxquels ont été joints un certain nombre d'inédits tirés de ses archives. La deuxième reprend le volume publié sous ce titre en 1979, lequel s'attèle aux affrontements entre puissances - thème essentiel et de plus en plus pertinent si l'on veut bien voir que la volonté d'expansion et l'exploitation des passions nationalistes reviennent, et ce un peu partout, sur le devant de la scène.
La Société bureaucratique est le cinquième volume de notre édition des Écrits politiques, 1945-1997 de Cornelius Castoriadis (1922-1997).
Rappelons le plan d'ensemble de cette édition :
VOLUMES PARUS - La Question du mouvement ouvrier (vol. I et II) - Quelle démocratie ? (vol. III et IV) - La Société bureaucratique (vol. V) À PARAÎTRE :
- Devant la guerre et autres écrits (vol. VI) - Sur la Dynamique du capitalisme et autres textes, suivi de L'Impérialisme et la guerre (vol. VII ; devrait paraître en 2016) - la publication d'un dernier volume (vol. VIII) qui ne faisait pas partie du plan initial est à l'étude ; il regrouperait des textes de l'auteur consacrés aux rapports entre écologie et politique, des correspondances (notamment avec Jacques Ellul) et divers compléments, ainsi qu'un index général.
Les quatre premiers volumes étaient consacrés aux problèmes que posent l'évolution du mouvement ouvrier et les nouveaux traits apparus après 1945 dans les sociétés occidentales à tous ceux qui voudraient oeuvrer à la transformation de celles-ci en un sens radicalement démocratique.
La Société bureaucratique reprend, pour l'essentiel, le contenu
Guerre et théories de la guerre est constitué d'un ensemble de textes dont le principal, Devant la guerre, est l'un des essais de Castoriadis qui ont eu le plus de retentissement. À la faveur d'une analyse rigoureuse et informée de la guerre froide, l'auteur fait le portrait d'une URSS tendue vers la guerre, et comme structurée par elle : la chose militaire accapare l'essentiel de l'économie du pays, mais aussi le meilleur de ses talents - les ingénieurs les plus doués se consacrent à la recherche sur l'armement - et se pose ainsi en horizon symbolique d'une société.
Au-delà du regard porté sur la situation soviétique, et peut-être grâce à sa sensibilité psychanalytique, Castoriadis renverse les mythes qui constituent notre perception de la guerre moderne :
Contre Clausewitz qui postule une rationalité guerrière, à la manière d'une partie de billard, il montre comment la stratégie militaire n'est que la forme prise par un débordement. À revers de l'idée de tensions circonscrites, il pose qu'il n'est de guerre qu'illimitée, la violence étant par nature proliférante.
Point n'est besoin d'insister sur l'actualité de cette démystification de la guerre chirurgicale ou prétendument dépassionnée.
Sixième volume des Écrits politiques de Cornelius Castoriadis, Guerre et théories de la guerre prolonge La Société bureaucratique en portant un regard nouveau sur le tissu même des sociétés, en prenant en compte, en un seul geste et sans hiérarchie a priori, les aspects économiques et politiques d'une situation. Suivra en 2017 le volume Écologie et politique, ainsi qu'un supplément consacré à ses échanges avec Jacques Ellul.
Dans son enseignement à l'École des hautes études en sciences sociales, Cornelius Castoriadis a consacré quatre années à la Grèce ancienne, de 1982-1983 à 1985-1986. Thucydide, la force et le droit, qui reprend douze séminaires de 1984-1985, est ainsi le troisième volume " grec " de La Création humaine, édition de l'ensemble des séminaires dont nous assurons la publication. Dans ce volume, Castoriadis continue de réfléchir sur un thème - naissance en Grèce d'un questionnement interminable sur la vérité et sur la justice, apparition de sociétés se mettant explicitement en question - sur lequel il travaille depuis les années 1970. L'enseignement des années précédentes a été consacré à la double création de la démocratie et de la philosophie, aux racines de l'imaginaire grec dans le monde homérique et la mythologie (1982-1983), puis au phénomène singulier que fut la démocratie athénienne et à ses institutions d'auto-limitation, comme la tragédie (1983-1984). Thucydide en est le prolongement. L'importance accordée à cet auteur est doublement justifiée : la création d'un récit historique qui est autre chose que l'énumération des hauts faits des rois est partie intégrante de la grande mutation grecque du Ve siècle ; et s'attarder sur Thucydide, c'est aussi revenir sur la polis des Athéniens, telle qu'elle est présentée dans la célèbre Oraison funèbre prononcée par Périclès et que l'historien rapporte au livre II de sa Guerre du Péloponnèse.
Devant la guerre ne signifie pas avant la guerre. il ne s'agit pas ici de prévisions ou de prospective, mais d'une analyse du monde contemporain, indispensable pour pouvoir s'y orienter. dissiper les brumes des propagandes et des idéologies en est la première condition.
La confrontation russo-américaine et la perspective de la guerre dominent la réalité mondiale, en façonnent la dynamique. cette situation s'explique en fait par l'état des impérialismes occidentaux, repus, vieillis, divisés, en crise _ et, plus profondément, par le processus de décomposition des sociétés occidentales, toutes classes confondues. mais aussi et surtout par le grand phénomène de l'époque: la fantastique montée de la puissance militaire de l'u.r.s.s., qui sous-tend sa politique d'expansion mondiale. l'incroyable contraste, dans ce pays, entre une société non militaire où rien ne fonctionne sauf la répression, et une société militaire où tout fonctionne mieux qu'aux etats-unis, impose une nouvelle analyse du régime russe comme stratocratie: une nation où l'appareil militaire pèse d'un poids croissant sur les orientations de la société et relègue le parti au rôle de gérant des affaires courantes.
Le second volume de ce livre, à paraître à l'automne prochain, abordera les questions politiques que cette analyse soulève.
C.c.
En 1986, la chaîne de télévision britannique Channel 4 organisait une rencontre entre Cornelius Castoriadis et Christopher Lasch. Jamais rediffusé ni transcrit, cet entretien analyse les effets moraux, psychologiques et anthropologiques induits par le développement du capitalisme moderne. Les débuts de la société de consommation s'accompagnent de la naissance d'un nouvel égoïsme, qui voit les individus se retrancher de la sphère publique et se réfugier dans un monde exclusivement privé. Sans projet, otages d'un monde hallucinatoire dopé par le marketing et la publicité, les individus n'ont désormais plus de modèles auxquels s'identifier.
Une brillante analyse de la crise du capitalisme par deux de ses plus profonds critiques. Cet entretien est suivi de « L'âme de l'homme sous le capitalisme », une postface de Jean-Claude Michéa.
Paul Ricoeur invite en 1985 Cornélius Castoriadis dans l'émission « Le bon plaisir de Paul Ricoeur » (France Culture), pour s'entretenir avec lui du rôle de l'imaginaire social dans les transformations historiques. Deux styles, deux voix qui tantôt se rencontrent, tantôt se séparent à propos du sens de l'innovation historique et de la portée des ruptures historiques.
Notice :
Tout semble opposer Castoriadis et Ricoeur : deux tempéraments, deux styles, deux philosophies. Et c'est l'un des intérêts de ce dialogue entre les deux philosophes dans lequel la parole incisive de l'un n'a rien à envier à celle de l'autre. L'unité de l'entretien repose sur une interrogation : est-il possible de créer du nouveau historiquement ? L'enjeu de la controverse porte moins sur les conditions de possibilité de la science historique que sur les conditions de possibilité de l'agir humain dans des circonstances historiques données. Il revient à Castoriadis, dans ce jeu de rôles et de joutes verbales, de défendre de manière implacable la thèse de la création historique.
Cette thèse est tout simplement inacceptable pour Ricoeur, qui s'inscrit dans une dialectique entre innovation et sédimentation. Par-delà cette divergence, il y a une analyse que partagent Ricoeur et Castoriadis : le refus de réduire et d'indexer le politique sur l'économique.
Quand il réalise les treize épisodes de L'Héritage de la chouette, Chris Marker dialogue avec des hellénistes, philosophes, artistes, hommes politiques, etc., autour de l'influence de la Grèce antique sur le monde moderne - à partir de mots hérités des Grecs : de « symposium » à « olympisme », de « démocratie » à « amnésie », en passant par « mathématique », « mysoginie » ou « tragédie »... Ce livre propose dix de ces entretiens, publiés pour la premiere fois in extenso : Cornelius Castoriadis, Dimitri Delis, Patrick Deschamps, Angélique Ionatos, Michel Jobert, Renate Schleisser, Michel Serres, Giulia Sissa, George Steiner, Iannis Xenakis et, bien sûr, Chris Marker, nous embarquent pour un voyage qu'Homère n'aurait pas renié...
Dans l'histoire de la civilisation européenne, la Grèce n'a pas été seulement une source de repères théoriques. Elle fut aussi le lieu de réalisation historique réelle de certaines aspirations de la modernité qui aujourd'hui restent toujours in votis.
Dans l'histoire de la civilisation européenne, la Grèce n'a pas été seulement une source de repères théoriques. Elle fut aussi le lieu de réalisation historique réelle de certaines aspirations de la modernité qui aujourd'hui restent toujours in votis.