« Il y a une douceur à l'existence, un dire renouvelé, des ombres qui apportent du repos, l'atténuation des angles, la pousse des plantes... ».
Résonnant comme un testament littéraire, cette anthologie est le fruit d'une sélection toute personnelle d'Etel Adnan : Saisons, Mer et Brouillard, Nuit, Surgir, Déplacer le silence, cinq recueils constituant la quintessence de son oeuvre poétique. L'écrivaine y livre ses méditations sur le monde, les mythes, l'histoire, l'amour, le silence, le langage, l'avancée dans l'âge, la contemplation de la nature, la quête de la beauté, la mort ou encore la renaissance. Mêlant poésie, prose et philosophie, elle propose une exploration fragmentaire de la réalité, questionne la condition humaine et tente de concilier la mémoire et le temps.
Née à Beyrouth, Etel Adnan (1925-2021) est une artiste, poète et essayiste libano-américaine mondialement reconnue et érigée en modèle par les poètes et poétesses d'aujourd'hui.
Traduction : Martin Richet, Jérémy Victor Robert, Françoise Despalles, Pascal Poyet et Françoise Valéry.
Je sens que je suis, que nous sommes, sur un océan, par une nuit très longue, plus longue que la nuit, un intervalle de temps tout noir, et il nous faut écouter la voix d'Ishmael, écouter parler Queequeg, regarder la nuit étoilée tout en lisant, ou avoir quelqu'un lisant tout haut, près de nous, le chef-d'oeuvre de Melville, afin d'entendre l'âme de ce continent s'exprimant dans toute sa grandeur, et toute sa misère, dans ces pages où l'étrange duel entre Achab et Moby Dick se voit renouvelé, pendant que nous regardons depuis le bateau. En pleine tempête.
Ce livre restitue l'atmosphère du San Francisco des années 60, plus précisément du petit port de Sausalito où des artistes s'étaient installés que des vieux bateaux amarrés au Quai n°5. Il y avait là notamment Jean Varda, qu'Agnès Varda appelait « Oncle Yanko », et Piro Caro horticulteur philosophe anarchiste. Etel Adnan a alors interviewé ces deux personnages ; les entretiens étaient restés inédits. Les voici enfin traduits, avec une double préface d'Etel Adnan. Le tout traduit de l'anglais par Patrice Cotensin.
« L'exil est une dépossession sans recours. Il est toujours accompagné d'un sentiment d'humiliation : « l'autre », quelqu'un ou quelque chose, prend possession de ce que vous abandonnez, que vous laissez derrière vous. Cela fait que vous vous sentez mis à l'écart, comme si vous n'étiez qu'un objet que l'on déplace. L'exil n'est plus le triste privilège de quelques rares individus : c'est devenu le synonyme de la condition humaine, mais avec une légère différence : certains d'entre nous sont mangés par cette maladie de façon évidente et définitive, alors que tous les autres ne sont pas encore conscients de ce dont ils souffrent déjà. » Etel Adnan
Est-ce que je me sens en exil ? Oui, c'est le cas. Mais cela remonte à très loin, cela a duré si longtemps que c'est devenu ma nature, et je ne peux pas dire que j'en ai souffert trop souvent. Il y a même des moments où j'en suis heureuse. Un poète est, avant tout, la nature humaine à son état le plus pur. C'est pourquoi un poète est aussi humain qu'un chat est un chat, ou un cerisier est un cerisier. Tout le reste vient « après ». Tout le reste compte, mais aussi parfois ne compte pour rien. Les poètes sont profondément enracinés dans la langue et ils transcendent la langue.
Les années qui sont les plus formatrices pour un poète ou un écrivain sont celles de l'adolescence. Ce sont des années où votre raison et vos sens croissent visiblement mais dans des directions distinctes et se développent comme indépendamment l'une des autres. C'est pourquoi ce sont des années d'émotions violentes et de confusion mentale. Nous sommes alors comme de jeunes arbres dont les branches partent dans diverses directions donnant l'impression que le tronc va se briser, tiraillé qu'il est entre des tensions opposées.
L'écrivain, enseignant et diplomate français Gabriel Bounoure a joué un rôle capital pour une génération de jeunes étudiants libanais qui ont découvert avec enthousiasme Nerval, Baudelaire, Rimbaud grâce à ce formidable « passeur » qui créa à Beyrouth L'Ecole des Lettres et sut transmettre la passion de la littérature à des jeunes gens ouverts à tutes les découvertes. Etel Adnan était l'une d'entre eux, avec Salah Stétié. Cet ouvrage propose la grand eprose poétique qu'Etel Adnan écrivit dans les années cinquante en hommage à ce « maître », de même que son premier texte jamais publié, à Beyrouth en 1949, sur Fromentin, et deux textes de souvenirs sur Bounoure et L'Ecole des Lettres.
Une fois à Paris, j'achetai les Mémoires d'Hadrien et m'y plongeai. Je fus sidérée. Il 's'y trouvait la Méditerranée que je connaissais, que je portais en moi et avec moi, avec laquelle je partageais des secrets,. des complicités, des mythologies personnelles. Et je voyais là une femme qui l'aimait de la même façon, avec le même type de passion physique totale qué le mien. Comme tant de ses lecteurs, je l'ai découvert plus tard, je l'avais quasiment identifiée avec Hadrien et je lui attribuais la vie de l'empereur.
« Un jour, devant une caméra de télévision, on me posa cette question : «Quelle est la personne la plus importante que vous ayez jamais rencontrée ?» Et je me souviens d'avoir répondu : «Une montagne.» Tamalpais était au centre de mon être. » C'était le Mont Tamalpais qu'Etel Adnan voyait de sa fenêtre à Sausalito, près de San Francisco, et dont elle a fait de si nombreux tableaux.
Voyage au Mont Tamalpais nous entraîne dans « cette aventure de vivre avec une montagne ».
Plus qu'une rencontre avec un site naturel, une montagne au pied de l'océan, aussi beau soit-il, c'est avant tout une rencontre avec l'esprit du lieu.
La lumière et les couleurs changeantes, la brume, le brouillard et la neige sont sources d'émerveillement, de nouvelles sensations esthétiques et d'élévation spirituelle.
Etel Adnan nous livre une méditation sur la beauté de la nature et la puissance des éléments, qui se transforme en célébration du monde.
Le Mont Tamalpais, c'est la montagne magique d'Etel Adnan, qui la voit comme « le chef de la tribu humaine ».
Cet ouvrage regroupe des poèmes, des proses et des proses poétiques, parus dans des revues éparses aujourd'hui difficiles d'accès. Leur réunion manifeste avec brio la diversité des intérêts d'Etel Adnan et la profonde unité de son regard toujours curieux porté sur le monde.
De L'Échoppe Un jour, mon ami ?eodoros Terzopoulos me demanda pourquoi je n'écrirais pas, sur la crise en Grèce et l'a?ux de réfugiés, un texte qu'il pourrait monter dans son théâtre.
Je me suis mise à écrire, dans un état de surexcition mentale, état totalement étranger à tout souci littéraire, à toute possibilité d'écriture d'une pièce de théâtre bien composée, deux ou trois pages qui sont une sorte de condensé d'un monde grec à la fois ancien et totalement pris dans une tourmente elle aussi semblable à un vertige.
Je me suis mise à
"Fusion brève mais puissante de poésie, de prose et de philosophie, ce livre est aussi énigmatique que la nuit elle-même, perpétuellement tendue vers l'illumination tout en la retenant. L'incertitude se déploie comme une rivière souterraine à travers ces pages où les mouvements physiques du monde sont mis en parallèle avec ceux de l'esprit brillant d'Adnan. "La philosophie nous ramène à la simplicité", écrit-elle, tout en essayant avec une grande complexité de concilier l'inconciliable : la relation de la mémoire au temps." - Kimberly Grey (extrait), revue en ligne On the seawall.
Une première version de L'Express Beyrouth-Enfer, écrite à Sausalito, a paru dans le quotidien francophone de Beyrouth L'Orient le dimanche 7 mars 1971. La version définitive paraît en volume, précédé de Jébu, aux éditions P. J. Oswald à Paris en janvier 1973. Beyrouth 1982 a paru en anglais dans And not surrender, American poets on Lebanon, ouvrage édité par Kamal Boullata, écrivain et artiste né en 1942 à Jérusalem, établi depuis 1968 à Washington. Ce recueil réunissant 19 poètes a été publié par l'Arab American Foundation, Washington, en 1982 à l'occasion d'une lecture de poésie qui s'est tenue le 28 novembre 1982 à l'Ethical Culture Auditorium de New York. Il est ici traduit de l'anglais par Jean Frémon. C'était Beyrouth encore une fois, poème écrit pour une manifestation contre la politique des USA au Salvador, fin novembre 1989 à San Francisco, et paru en anglais dans Middle East Report, January-February 1990. Il est ici traduit de l'anglais par Patrice Cotensin.
Cet ouvrage réunit une suite de plusieurs groupes de poèmes récemment réunis en volume aux USA sous le titre Time. Fraîcheur, spontanéité, surprise sont les traits saillants de ces strophes stimulantes qui peuvent se lire librement « à sauts et à gambades ».
La mer?: peut-être le symbole littéraire originel, incarnant vie, mort et changement incessant. Le brouillard?: mystérieux, atmosphérique, parfois mortel. Ce livre d'Etel Adnan, intitulé à partir des éléments qu'il questionne, est une suite de strophes contemplatives et sombres interrogeant la condition humaine contemporaine. Il s'attache aux forces universelles, affrontant les cycles répétitifs les plus tragiques de la nature humaine?: le départ, la mort, la guerre, l'amour.
Moins expérimental que ses travaux antérieurs, le terme le plus approprié pour cet ensemble pourrait être «?épique non-narratif?». À certains moments, on perçoit des éléments de la pensée zen et de la philosophie classique, avec des critiques de l'impérialisme et de la violence.
Quel livre singulier ! À nul autre pareil. Singulier dans le paysage de la poésie francophone. Singulier même dans l'oeuvre de son auteur. Etel Adnan a multiplié les expériences uniques : elle n'a écrit qu'un seul roman, Sitt Marie Rose ; un seul recueil de nouvelles, Le Maître de l'éclipse.Voyage au mont Tamalpaïs est une sorte de méditation sur un lieu d'élection. Au coeur du coeur d'un autre pays emprunte sa forme au livre presque éponyme de William Glass. Chacun des livres d'Etel Adnan a sa forme propre, mais L'Apocalypse arabe est le plus innovant. Il est le seul à faire intervenir des signes graphiques dans le cours du texte, comme si un alphabet primitif, mi cunéiforme mi hiéroglyphique sous-tendait le verbe. Comme si le peintre et le poète, qui ont toujours cohabité chez Etel Adnan, soudain se rejoignaient. Ou plus exactement, comme si le peintre s'arrogeait la parole au milieu du discours du poète pour en soutenir ou en briser l'éloquence. Intrusion de l'imprononçable dans le verbal.
Ce volume est la traduction française des trois premières parties de l'édition originale parue en anglais sous le titre The Indian Never Had a Horse et publiée par Simone Fattal, The Post Apollo Press, Sausalito, Californie, 1986, avec des images de Russell Chatham. La quatrième partie de cet ouvrage, Spreading Clouds, a été reprise, dans la traduction de l'auteur, dans le volume Je suis un volcan, Galerie Lelong & Co, 2021. Les cinquième et sixième parties figurent dans Le cycle des tilleuls, Al Manar, 2012. La version originale des Love Poems a paru dans le volume Women in the Fertile Crescent, Three Continents Press, Washington D.C., 1978. Elle a été mise en musique par Gavin Bryars et créée en 1996 au Almeida Festival, Londres. La version originale de Five Senses for One Death a paru dans The Smith, New York, 1971. Ces poèmes ont inspiré à Simone Fattal une série de tableaux, dessins et pastels exposés à Beyrouth, Galerie One, en 1973. Ce cycle de poèmes a également fait l'objet de plusieurs lectures publiques par l'auteur, accompagnées d'une improvisation musicale de Gavin Bryars, notamment à la Whitechapel Gallery et à la Serpentine Gallery, Londres, à l'occasion du Memory Marathon, organisé par Hans Ulrich Obrist en 2012.
Pour cette exposition, Etel Adnan a réalisé une douzaine de petits tableaux ronds, denses, vivants, à la touche souple et ample, très nouvelle, avec un seul sujet : des fleurs.
Interrogée sur le pourquoi de ce thème, elle répond : «c'est venu ainsi».
La forme de ces fleurs rondes s'intègre facilement, dans un cercle. Pour compléter ce groupe de tondi, elle a ajouté quelques tableaux rectangulaires, en deux couleurs seulment, des sortes de dessins peints.
Pour accompagner l'exposition, la Galerie Lelong & Co. publie un petit livre qui associe aux peintures un choix de poèmes extraits du Cycle des tilleuls (2012).
L'oeuvre picturale d'Etel Adnan a été montréec cette année dans divers musées et centres d'art du monde entier et fait l'objet jusqu'au 6 janvier 2019 d'une rétrospective au MoMA de San Francisco.
Une importante monographie sur son travail vient de paraître aux éditions Lund Humphries.
Je pense que la poésie c'est quelque chose que vous attendez, jusqu'à ce qu'elle vienne (...) Comme une plante qui grandit par en-dessous et que soudain vous voyez surgir dans le jardin, et vous ne saviez pas qu'elle était là, comme le printemps survenant dans un paysage tout sec.
Entre l'honneur et l'horreur, il n'y a parfois qu'un pas à franchir. Hussein, jeune homme libanais, raconte sur le mode de l'aveu à celle qu'il aime, l'événement qui a changé le cours de son destin : le crime d'honneur perpétré envers sa soeur alors qu'il était adolescent. Il témoigne de la culpabilité qu'il a portée pour son frère, mais aussi du silence, du secret, du deuil. Ce texte, destiné aux adolescents, est l'occasion de rencontrer une culture à cheval entre l'islam et la chrétienté.
Premier ouvrage consacré aux "livres en accordéon" (dits leporellos) peints par Etel Adnan, ce livre réunit plus d'une trentaine de ces oeuvres allant des années 80 à maintenant. Un texte de l'artiste, publié en français et en anglais relate la découverte à San Francisco, dans les années 60 de ce type d'ouvrage et des singulières qualités qu'il offre à l'artiste. Jean Frémon analyse l'emploi du leporello par Etel Adnan tandis qu'Anne Moeglin-Delcroix situe avec compétence et concision l'emploi du leporello par divers artistes contemporains.