Henrik Ibsen, le plus célèbre des écrivains scandinaves, a pourtant vécu vingt-sept ans hors de la Norvège et a distillé son amertume envers son pays natal dans des portraits grinçants de provinciaux sans idéal. Admiré dans toute l'Europe de son vivant, il est compris par les symbolistes comme l'auteur d'un théâtre d'art, espace de pensée et de rêve voué aux apparitions spectrales de personnages évanescents, alors que les naturalistes voient en lui le « Zola du nord » et célèbrent ses drames bourgeois faisant la part belle à la défense de l'émancipation féminine et à la dénonciation des politiciens corrompus.
Ce sont toutes ces facettes et ces contradictions que ce livre tente de restituer : Ibsen féministe mais conservateur, Ibsen patriote quoique critique envers la Norvège, Ibsen inventeur du drame moderne tout en revendiquant le modèle de la « pièce bien faite » de Scribe et Augier n'a pas fini de nous étonner.
Au XVIIIe siècle naquit le mélodrame, forme de théâtre alliant texte et musique, où les larmes n'étaient point tabou : car on pleurait alors, dans les salons et à la tribune de l'Assemblée, hommes comme femmes, dans la vie privée comme dans l'espace public. Les pleurs prouvaient la sincérité, et la rétention des émotions était suspecte. En deux cents ans, le signe de la sensibilité est devenu marque de sensiblerie et l'individu moderne, s'il s'épanche au téléphone, dans des blogs ou sur Facebook, ne pleure plus en public. La tentation des larmes perdure cependant, mais une sorte d'effroi devant l'émotion brute nous a incités à la reléguer dans le roman ou le cinéma, où elle est programmée. Ce livre, qui fait appel à des objets aussi variés que le théâtre de Pixérécourt, celui de Rostand ou d'Hugo, le film Titanic, la série des Twilight, le phénomène Bollywood, le succès de Love Story ou, avant lui, les films de Douglas Sirk, entend penser le " mélo " comme un plaisir des larmes et en suivre la trace et les motivations dans notre culture récente.
Le mot "théâtre" désigne tout à la fois une pratique et un lieu. Exercé par des professionnels ou des amateurs, il peut investir des espaces très divers ; édifice, il est souvent le point fort d'une ville et de son histoire architecturale. Lieux-repères, les théâtres favorisent l'échange, l'expression, la pensée et la mémoire. Ils contribuent à la construction de la citoyenneté et de la culture. Leurs affectations différentes, leurs changements de noms et de propriétaires, leurs programmations, leurs scandales et leurs succès écrivent, avec elles ou contre elles, l'histoire des villes.
Ce sont ces diversités que cet ouvrage se propose d'aborder.
"Des spectacles scéniques et des récits filmiques faisant figurer marionnettes, objets animés et acteurs ensemble, que retenons-nous ? Le robot, la marionnette critiquent-ils le comédien vivant ? En désignent-ils les failles et les habitudes ? L'amènent-ils à modifier son jeu ou le complètent-ils ? - Il s'agit, ici, en termes d'enjeux narratifs, d'interroger ce qu'il en est des représentations du comédien, de sa contestation ou de sa réévaluation. - "
"Plutôt qu'à un « tous malades » anxiogène mobilisant les hantises de la contamination et de l'épidémie, ce volume convie à penser la maladie comme motif de rassemblement et de stimulante réflexion. La maladie autorise des modalités d'écriture, de ressaisissement de soi ou d'épanchement, d'appel à l'autre et d'exposition. Les contributeurs de ce volume les interrogent et les mettent en perspective dans l'étude de récits de patients, de romans de la maladie comme métaphore, de films catastrophe et de performances de corps souffrants."
"De nos jours, l'attention médiatique accordée aux collaborations de chercheurs dans le domaine du théâtre, le succès de documentaires, d émissions et de magazines scientifiques témoignent bien que la science appartient plus que jamais au champ du spectacle et des représentations. Les réflexions réunies dans ce livre interrogent ce que le théâtre fait à la science et inversement comment la science agit avec le théâtre. Ainsi à travers Galilée, Oppenheimer ou Schrödinger se dessine par le théâtre notre désir de science aujourd'hui."
Entre 1870 et 1914, le théâtre fin-de-siècle affirme la continuité du drame historique romantique en contestant pourtant ses valeurs : l'héroïsme et la noblesse d'âme sont désormais suspects et invalidés, la scène européenne préfère les petits faits aux grands évènements et les faiblesses des grands hommes à leurs moments de gloire. Ce théâtre produit une histoire parallèle et dissidente à la grande histoire, interrogeant ce qui mérite d'être historique et de rester dans les mémoires.
Dans le théâtre post-brechtien, l'accessoire agace ou fait sourire : on a tôt fait d'y voir une facilité, une complaisance à l'éclat superficiel, au mieux une virtuosité technique. Le « magasin des accessoires » semble un lieu patrimonial et suranné, dont seules les périodes plus anciennes savaient lire et comprendre le sens, souvent plus subversif qu'illustratif. Pour parler d'Histoire, notamment, l'objet serait somme toute devenu suspect : étendards, guillotines et autres portraits sortis des musées pour passer à la scène ne paraissent pas indispensables et l'on joue de plus en plus en costume de ville plutôt qu'en costume historique.
La violence au théâtre n'est pas fait nouveau, elle est même constitutive de la tragédie antique et de ses grands mythes, tout comme du théâtre historique élisabéthain.
Elle est pourtant alors acceptable par le spectateur parce que d'une part, elle relève d'une esthétique de l'excès qu'il s'attend à trouver au spectacle (comme pour les films d'horreur ou d'action aujourd'hui), et que, d'autre part, elle s'inscrit dans un projet politique : par la violence se construisent des états, se valident des rituels et autour d'eux des communautés. Dans le théâtre contemporain par contre, le déferlement d'une brutalité sans encadrement exige une réflexion critique du spectateur, sur son regard, sur son implication morale, mais aussi sur les limites du représentable.
Le théâtre en désignant sur scène la violence nous invite à penser la place primordiale qu'elle occupe désormais dans nos médias, notre culture, déterminant notre rapport à l'image. Candidats au concours d'agrégation externe de lettres modernes. Etudiants lettres modernes et arts du spectacle, tous cycles.
Figée depuis l'Antiquité gréco-romaine dans l'acte inouï de l'infanticide, Médée, princesse orientale et compagne d'un héros grec, interroge notre capacité à voir représenté (sur scène, en peinture, au cinéma) ce que la plupart des sociétés et des religions européennes condamnent ou du moins occultent. Pourtant la mère qui tue ses enfants ne doit pas être arrêtée à cette saisissante image : nombre de réécritures du reste osent la présenter comme innocente. En tant qu'étrangère accusée du pire, magicienne, prêtresse, fille de roi malmenée par les rumeurs et les soupçons, Médée dans les textes de la modernité se fait figure de la rébellion contre l'arbitraire, de l'individu triomphant contre le pouvoir politique abusif. Refusant toutes les intégrations, revendiquant ses différences (sorcière, mère indigne, régicide), défiant les lois et se soustrayant à toute justice humaine, la petite-fille du soleil incarne noblement et volontairement l'altérité consentie.
Tueur en série, assassin de femmes vulnérables qu'il met à l'épreuve de la curiosité avant de les en punir, Barbe-Bleue est une figure de la violence conjugale que l'on retrouve, depuis Charles Perrault, sous diverses variantes au théâtre, au cinéma, dans la peinture occidentale comme en poésie et encore très récemment dans un roman d'Amélie Nothomb. Ce qui fascine, outre la brutalité des faits, c'est qu'une part de secret résiste à la compréhension : le « pourquoi » des meurtres et des pièges nous reste opaque. Serait-ce que Barbe-Bleue est en fait la victime, de la rumeur, de médisances, mais surtout de l'indiscrétion de femmes volages, incapables de lui laisser une part d'intimité ? Penser le secret de Barbe-Bleue, c'est interroger l'intimité, la confiance, l'interdit dans le couple occidental moderne.
Ce volume collectif, rassemblant penseurs et chercheurs issus des études littéraires, théâtrales, visuelles et cinématographiques, interroge les récits de la dévoration et des hantises alimentaires à une époque, aujourd'hui, et dans un espace, l'Europe, l'Amérique du nord, qui ne connaissent plus la faim. Que devient la faim après la faim ? La disparition des famines de masse n'entraîne pas le délaissement des anxiétés liées à la peur de manquer, d'être dévoré ou encore de mal manger.
S'alimenter est intime et, à regret ou non, souvent collectif, nécessaire et pourtant jamais pleinement banal : ce sont ces tensions et ces contradictions que ce volume entend soulever.
Cet ouvrage examine les représentations de Christine de Suède au sein d'oeuvres diverses, qui vont des pièces de théâtre, des opéras, des films, aux recueils de harangues et autres gazettes de son vivant à aujourd'hui. Comment Christine de Suède, « reine garçon » du XVIIe siècle, intellectuelle plurilingue qui refuse de se marier et qui renonce au trône pour se convertir au catholicisme, est-elle figurée, de son temps, ou du nôtre, en Suède, mais aussi en France ou en Amérique du nord ? L'ouvrage revient sur les divers portraits de la reine : Christine en mécène, Christine en femme savante, Christine en femme de pouvoir, Christine en asexuelle ou en icône LGBT qui en disent forcément plus sur leurs auteurs et autrices, sur les contextes de leur émergence, que sur la reine elle-même. Ce sont bien les « usages » de Christine de Suède dont il est question ici : gestes politiques, réinventions culturelles, « mythes » de la reine au cinéma, en bande dessinée, en « fictions » de toutes sortes.
Parcourant l'ensemble du xxe siècle, d'Artaud et Boulez à Goebbels et Novarina en passant par Honegger et Pasolini, cet ouvrage collectif réunit douze textes sur l'association de la musique et du théâtre. La musique de scène, composée par des musiciens en accord avec les dramaturges, inséparable du texte théâtral, s'y trouve convoquée avec la musique en scène, choix de metteurs en scène qui insèrent dans les textes et sur les plateaux des partitions autonomes qu'ils prennent le parti de confronter à la dramaturgie. Musique en connivence, musique venue de l'extérieur, musique imposée ou conçue pour elle-même, telles sont les différentes approches explorées au coeur de cet ouvrage.
Cet ouvrage se veut un guide pour les étudiants et aussi les amateurs, les aider à comprendre les ambitions des dramaturges et interpréter les textes sans anachronisme ni contresens historique. Il indique les grandes étapes de l'histoire du théâtre occidental, il décrit les genres dramatiques, les principales doctrines, les débats esthétiques et les méthodes au service de la critique et de la recherche en études théâtrales.
Table des matières Avant-propos par Denis Souiller Première partie : Bref aperçu historique du théâtre occidental 1 -- L'Antiquité, naissance et affirmation d'une conception du théâtre (S Humbert-Mougin) 2 -- Transition, le théâtre médiéval et son héritage (D. Souiller) 3 -- Le XVIIe siècle, baroque et classique (D. Souiller) 4 -- Transition, le premier XVIIIe siècle (D. Souiller et G. Zaragoza) 5 -- Le renouveau romantique (G. Zaragoza) 6 -- Le XXe siècle (F. Fix) Deuxième partie : Les genres et les doctrines par D. Souiller, S. Humbert-Mougin, F. Fix, G. Zaragoza A -- Les genres : Du comique -- Du tragique -- Les genres mixtes -- Texte et spectacle -- Le drame en question B -- Les doctes et les créateurs : La dramaturgie grecque -- Senèque -- Du drame satyrique à la pastorale post-Renaissance -- Ce qu'a dit vraiment Aristote et sa réapparition codifiée aux XVIe et XVIIe siècles -- Formes baroques et doctrine classique -- Drame naturaliste et réaction symboliste -- Au XXe siècle les metteurs en scène théorisent plus volontiers que les dramaturges Troisième partie : Méthode de recherche et bilan conceptuel par D. Souiller, S. Humbert-Mougin, F. Fix, G. Zaragoza A -- Quelle méthode d'analyse pour le texte théâtral ? : Eléments de dramaturgie -- La sémiologie -- Le modèle narratologique -- L'analyse sociologique -- L'apport de la linguistique -- Psychanalyse -- Le statut du texte de théâtre B -- Lexique Bibliographie -- Index
De Perrault à Grimm, l'attrait pour le conte ne s'est jamais démenti : invitant à l'émerveillement, il a donné lieu à des réécritures et adaptations enjouées et admiratives, mais aussi à des interrogations et subversions démystifiantes. Cet ouvrage analyse ainsi la permanence du conte dans la modernité.
Avec le soutien de l'université de Poitiers, de Lorraine, Sorbonne-Nouvelle et CÉRÉdI.
Ce volume interroge les parasites de théâtre, souvent comiques, viveur sans scrupules, cocotte dépensière ou parent sans le sou, pique-assiette, menteur mais aussi êtres de désir et de renouvellement. Échec de l'hospitalité ou vivace rappel d'une altérité nécessaire à tout système vivant, le parasite résiste au démon de l'analogie et à celui de l'assimilation : il demeure autonome et singulier au coeur même du système dans lequel il s'insère ou se dissimule, brouillant le caractère visible des typologies théâtrales.
Cet ouvrage collectif se propose de réfléchir à la présence de citations dans le théâtre contemporain (1950-2000) afin de s'interroger sur le statut dramatique et poétique de la culture au théâtre.
La citation dans le texte théâtral ne s'y trouve pas seulement comprise comme réécriture, réactivation d'un matériau littéraire, adaptation ou décalque, qu'il soit disqualification du modèle ou hommage rendu à la mémoire littéraire, mais comme appel à l'autre. Véritable dialogue, présente dans deux textes distincts, elle provoque leur concertation sur scène et l'éventuelle connivence ou reconnaissance du spectateur.
Provocation, désir de brûler la mémoire littéraire ou au contraire révérence et retour sur le passé culturel, détournement, subversion ou redite admirative, la citation convoque ainsi toutes les postures du spectateur de théâtre.
A " qui " (acteur, public, critique...) parle-t-" on " (acteur, personnage, auteur...) au théâtre ? Telle est la question simple et pourtant désarmante dans une scène contemporaine animée de scandales, de controverses et d' " outrages au public " (Peter Handke), que pose cet ouvrage collectif, rassemblant des chercheurs en linguistique, littérature et études théâtrales. Dans les spectacles contemporains (1"50-2000), l'adresse frontale récurrente (Rodrigo Garcia), la proximité scène-salle induite par de nouvelles configurations de représentation (Valère Novarina), les effets d'interaction acteur/spectateur (Bernard-Marie Koltès) tendent à laisser croire à une destination aisément identifiable, à un lien - désiré, programmé ou contesté - entre un énonciateur et un récepteur. Pourtant le destinataire de théâtre reste radicalement l'Autre, multiple et divers, diffracté et changeant - que la représentation s'engage pour, contre ou avec lui.
"Les châteaux royaux en Val de Loire ont été des lieux de pouvoir avant de s'inscrire dans l'espace commun en tant que lieux publics. Symboles de la majesté des souverains durant deux siècles, ils sont ensuite délaissés pour Paris puis Versailles, menacés de destructions ou de dispersion, restructurés et réemployés. Que présenter au visiteur soucieux d'apprendre, de comprendre ces demeures qui sont une condensation d'histoire de l'art et d'histoire politicoculturelle ?"
Dans les romans réalistes et la peinture de genre des grandes sociétés industrielles et libérales que sont le Royaume-Uni et la France au cours du XIXe siècle, apparaissent des indigents convenables, suscitant l'émotion. Mendiantes affligées, enfants des rues, figures esseulées dans des espaces urbains voués au progrès et à la réussite sociale, connaissent un grand succès en tant que figures de fiction. Dans le même temps, la pauvreté devient un enjeu de société, de politique de santé et de morale publique. Ce sont ces enjeux croisés d'esthétisation et de dénonciation qu'analyse une dizaine d'universitaires.