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Françoise Davoine
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Dans le contexte actuel de guerre et de pandémie, la réédition de Mère Folle prend une tonalité particulière. En effet, dans un récit littéraire, l'ouvrage met en scène la rencontre anachronique des Fous d'un théâtre politique très populaire en Europe après la Grande Peste et la Guerre de Cent ans avec ceux des asiles où l'auteur a travaillé comme analyste pendant trente ans.
Au Moyen Âge, la folie était traitée aussi comme une maladie cérébrale, avec des coups sur la tête et des drogues de l'oubli, tout en suscitant, dans la littérature, un intérêt passionné par sa capacité à montrer ce qu'il ne faut pas dire... Dans les Sotties-jugement, Mère Folle dont Erasme fit l'Éloge, appelle ses enfants « les Sots et les Sottes » et les lance dans un délire verbal et physique d'une grande virtuosité pour juger tel grand personnage, responsable des abus du temps, qu'ils déshabillent pour montrer aux yeux de tous le costume du fou dissimulé sous ses discours spécieux. Dans le livre, la psychanalyse est jugée par ses patients internés, faisant cause commune avec les Sots médiévaux, qui l'accusent de complicité avec les théories les condamnant pour toujours à la maladie mentale, et d'avoir fait l'impasse sur la grande Histoire et la folie des guerres dans laquelle elle est née. -
Comme des fous ; folie et trauma dans Tristram Shandy
Françoise Davoine
- Gallimard
- Connaissance De L'inconscient
- 19 Janvier 2017
- 9782070197446
Sous la forme d'un dialogue de l'auteur avec son mari disparu (psychanalyste lui aussi et venu de la littérature), Comme des fous est le commentaire du livre premier de La Vie et les Opinions de Tristram Shandy, Gentleman, roman majeur de la littérature occidentale, écrit par Laurence Sterne (1713-1768) dans les dix dernières années de sa vie.
Le dialogue, actif, contrasté, décrit vivement les traumas et la folie qui s'emparent des personnages, et propose une lecture psychanalytique, mais aussi philosophique, historique et politique de ce roman de la déraison.
Françoise Davoine questionne à mi-voix l'usage que l'on peut faire de l'écriture et de la création littéraire dans une culture qui bat la breloque :à quoi bon Swift, ou Cervantès, ou Sterne, si le combat a lieu entre les fools et les knaves, entre les fous et les crapules? Tandis qu'avec une insouciance baroque dans le ton même de Sterne, et en profitant sans doute de son propre statut de disparu, le défunt époux de l'auteur fait ironiquement le psychanalyste, par petites touches, cite au passage Lacan, Freud ou Hannah Arendt, et dérange si bien l'avancée obstinée de l'auteur que l'on oublie que c'est Françoise Davoine qui le fait parler : dans un monde de fous, l'écriture redonne vie aux disparus, et remet le temps en marche.
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Voix du soin en contexte traumatique
Françoise Davoine
- Puf
- Questions De Soin
- 1 Septembre 2021
- 9782130830658
Le livre s'ouvre sur la transcription intégrale de témoignages recueillis auprès de soignants en première ligne durant la pandémie. Ils font étonnamment écho à la psychothérapie de l'avant pratiquée par de futurs analystes de la folie et des traumas mobilisés dans les hôpitaux militaires de la Première Guerre mondiale. La seconde partie du livre revient sur cette orientation de la psychanalyse largement ignorée en France, en explore les grands principes au fil d'une enquête sur ses traces dans l'histoire de la discipline, et surtout dans les histoires dont rend si bien compte la littérature. Freud abandonna cette approche pour y revenir à plusieurs reprises, affirmant l'existence d'un inconscient non refoulé, fait d'images sensorielles intenses s'imposant dans une temporalité au présent, et dont l'enjeu est « la vérité historique ». Cet inconscient dissocié et sa thérapie sont une constante dans le soin psychique de la folie et des traumas depuis l'Antiquité.
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Immobile, la folie est une recherche sur la petite et la grande histoire qui n'intéresse pas souvent leurs soignants. Dans ce livre, le philosophe Wittgenstein intervient comme principal acteur de cette investigation des psychoses. À une époque de banalisation des traitements de choc, parfois avec la complicité de la psychanalyse, il réveille les échos des grands thérapeutes du XXe siècle qui ont défendu la parole de la folie, au siècle des totalitarismes, grâce à l'outil du transfert et à l'implication du therapôn, le second au combat.
Cette voix de Wittgenstein continue d'interférer pour nous rappeler que, en dépit des diagnostics pessimistes pour les personnes atteintes de troubles de la personnalité, il est possible de remettre le temps en marche avec l'espoir de s'émanciper des discours qui effacent les traces et les sujets.
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Don Quichotte, pour combattre la mélancolie
Françoise Davoine
- Stock
- L'autre Pensee
- 15 Octobre 2008
- 9782234061682
Best-seller après la Bible, Don Quichotte doit son succès international dès sa parution à son pouvoir de guérir la mélancolie, comme l'a conçu son auteur, à plus de cinquante ans. Comme des patients qui passent pour fous, comme l'auteur dans sa propre vie, Cervantès a chargé Don Quichotte, qu'il appelle son fils fou, de mettre en scène les traumatismes traversés de son vivant.
Françoise Davoine fait résonner ce grand texte avec des cas de sa pratique ou des événements de son histoire personnelle. Elle décrit comment les épisodes de crises successives du chevalier errant sont une façon de faire revivre les guerres et l'esclavage de Cervantès lui-même pendant cinq ans au bagne d'Alger, tout comme les crises psychotiques sont des façons de montrer ce qui ne peut se dire dans les silences orchestrés des familles et de la société, autour de traumatismes majeurs. Et en même temps, ces crises de folie indiquent le moyen d'en sortir. Ici le thérapeute est Sancho Pança, qui sait de quoi il retourne pour en avoir eu l'expérience.
Le livre suit donc pas à pas les différents épisodes du Don Quichotte qui ouvrent le champ progressif des batailles, depuis les voiles des moulins et des bateaux sur lesquels Cervantes combattit contre les Turcs à la bataille de Lépante jusqu'à l'épisode des troupeaux de moutons où il voit se dérouler une guerre internationale exactement sur les mêmes fronts qu'aujourd'hui au Moyen-Orient. Puis, quand il a épuisé l'investigation de toutes ces histoires réelles, Don Quichotte prend le maquis dans la montagne. Grâce à son travail littéralement analytique, il va guérir les traumatismes des uns et des autres rencontrés en chemin. Ainsi Don Quichotte, parti seul dans ses lubies au début du livre, finit par réunir à la taverne plus de trente personnes qui, grâce à son travail d'analyste, ont pu renouer des liens. -
Histoire et trauma ; la folie des guerres
Françoise Davoine, Jean-Max Gaudillière
- Stock
- 18 Janvier 2006
- 9782234058392
Un livre pour tous ceux que la souffrance humaine concerne, mais aussi tous ceux qui s?interrogent sur le lien mystérieux et essentiel qui relie l?histoire d?un homme à la grande Histoire.
L?angoisse, le désordre et la folie, ne sont pas seulement issus de notre imagination. Nous avons en chacun de nous des fantômes qui semblent venir réclamer les droits des morts qu?on a oubliés, qu?on a tus, qu?on n'a jamais nommés. En particulier ceux que la guerre a emportés. Les auteurs sont allés interroger des psychiatres de guerre et ils ont travaillé avec eux. Ils sont aussi allés écouter les chamanes, ces guérisseurs qui dialoguent avec l?au-delà. Ils ont également écouté les fous... Les auteurs montrent que la folie, c?est aussi une manière d?échapper à la perversion (celle qui consiste par exemple à taire les sévices issus d?une guerre ou la torture, etc.) et de surmonter un traumatisme. Ils mettent en évidence que la transmission des drames humains entre générations ne peut se faire qu?au regard de la grande Histoire. -
à bon entendeur, salut ! face à la perversion, le retour de Don Quichotte
Françoise Davoine, Jean-Max Gaudillière
- Stock
- L'autre Pensee
- 17 Avril 2013
- 9782234069534
Le premier Don Quichotte avait pour charge de soigner les traumas de guerre et d'esclavage de son père, Miguel de Cervantès.
En écrivant Don Quichotte, pour combattre la mélancolie (Stock, 2008), et en adoptant pour titre de son livre une expression de Cervantès lui-même, Françoise Davoine livrait une telle lecture du deuxième bestseller mondial après la bible, et l'adressait aussi aux analystes comme un manuel de psychanalyse. La relation de parole entre l'écuyer Sancho Pança et son maître incluait une analyse très fine du transfert dans l'exploration des traumas.
Quelque dix ans plus tard, à la veille de sa propre mort, Cervantès repart à l'attaque, cette fois-ci confronté à la perversion. Le prétexte lui en était donné par le plagiat anonyme qui dépossédait Don Quichotte et son auteur de la gloire européenne, et même mondiale, des aventures de l'ingénieux hidalgo.
Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière emboîtent le pas à ce nouveau voyage extraordinaire où la perversion s'étale au grand jour, organisatrice d'un lien social, voire d'un mode de gouvernement. Cervantès va montrer comment la folie s'y confronte : là encore, le champ d'action et d'amour défini à l'attention des lecteurs est déployé dans toute la spécificité de cette recherche. Sa fiabilité repose essentiellement sur la force de la parole donnée, qui doit traverser les petits et les gros mensonges, la séduction et le secret, les abus et les crimes, pour authentifier ce que la folie montre, faute d'une altérité suffisamment fiable pour recevoir ce témoignage.
Françoise Davoine et Jean-Max Gaudillière ont pris le parti de suivre ce nouvel et dernier périple du héros de Cervantès : en effet, ce dernier a décidé de le faire mourir à la fin de la fiction, pour éviter à son héros de nouvelles contrefaçons éditoriales.
Entretemps, il nous enseigne l'efficacité de sa démarche, toute folle qu'elle apparaît. Les " bons entendeurs " que sont les psychanalystes sauront reconnaître l'expérience acquise au contact des traumas de guerre, et recevoir aussi quelques histoires cliniques qui illustrent la démarche quichottesque, soutenue finalement par un seul principe : trauma, folie, même combat.
La perversion, qui s'entend ici de tout lien social, massif ou limité à l'espace singulier, réduisant le sujet à l'état d'un objet, constitue la véritable cible du roman, comme aussi de ce deuxième livre consacré aux combats victorieux du héros cervantin.
À bon entendeur, salut !