D'où vient le « politiquement correct » de la culture ? La diversité culturelle, jusqu'alors au service de la défense du pluralisme, s'est depuis aventurée dans la comptabilité ethnique et biologique au sein du milieu culturel. Elle a alors été prétexte à la construction d'un nouvel académisme en art, accompagné de censures fondées sur un supposé « droit à représenter », où les dogmes ethno-différentialistes mettent à bas les fondements universalistes qui permettent de faire société.
Le nouvel académisme anti-culturel, qui tue à la fois l'académisme et la contre-culture, transforme l'art en ingénierie sociale et en moyen de contrôle, au nom de notre propre émancipation, et joue le rôle d'un miroir grossissant. Il faut s'en inquiéter : le politiq uement correct viendra-t-il à bout des règles les plus élémentaires de la vie démocratique ?
Destruction de l'intériorité, relativisme, nouvelles idoles, manichéisme, chantage au ralliement, vandalisme : cet ouvrage examine de près les visuels et les discours de l'âge identitaire auxquels nous sommes surexposés, de la publicité à la mode et aux tags en passant par le cinéma, les séries, et les artefacts plus élitistes de l'art subventionné. Les effets d'une telle « hyper-esthétique » (Yves Michaud) sur notre capacité à sentir librement se dévoilent comme propices à la violence, à la surinterprétation et finalement, à la crise mimétique généralisée : la panique identitaire.
Par son éloge des identités fixistes, le régime identitaire (décolonialisme, Grand Remplacement...) alimente les théories ultralibérales du choc des civilisations. Lorsqu'il s'apparente à un interactionnisme mou faisant valoir le fluide et l'interchangeable, il reconduit une logique publicitaire pour se faire l'allié d'une globalisation qui atomise les entités politiques au profit de la célébration du flux.
Nous évoluons dans des environnements sensibles de plus en plus sexualisés et racialisés. Avec leurs cascades de jeux de permutation, mais aussi leurs rêveries essentialistes d'alignement et de pureté, les nouvelles esthétiques identitaires sont sécuritaires et autoritaires : elles vont de pair avec une dégradation de la sphère politique, et une détérioration du jugement de goût libre et impartial. Ainsi que l'annonçait Régis Debray : « une entreprise est parachevée quand on prend l'autre pour soi et soi-même pour un autre. Quand le particulier peut se faire prendre pour un universel ».
Face au mépris de plus en plus inquiétant du monde politique à l'égard des arts et des artistes de scène, défendre la nécessité de la création scénique et montrer sa vivacité relèvent de l'urgence.
Or, pour combattre une telle hostilité et un tel rabaissement de l'art à des pourparlers entre gestionnaires, on ne peut se contenter d'appeler au renouveau d'un théâtre identitaire et communautaire, ni se satisfaire de démarches artistiques moralisatrices qui opèrent une sorte de retour du théâtre dans l'église. L'auteur cherche avant tout à cibler et intensifier les contradictions des arts vivants en ne dissociant pas approches esthétique et économique.
En s'attachant à défendre des formes innovantes et marginalisées par les politiques culturelles, elle montre comment les propositions scéniques du présent prennent en charge l'état de crise pour raviver leur fonction critique. Cet ouvrage s'adresse aux artistes et aux professionnels de la culture aussi bien qu'aux étudiants en arts et aux curieux de création scénique, sans oublier les sceptiques lassés par les vitrines du service public culturel.