L'histoire débute le 8 /07/2013 à 13 h 13 dans les rues de Lyon : le VOYAGE PARFAIT commence. En proie à des hallucinations, Jean-Pierre s'interroge sur la frontière entre le monde réel et le monde du rêve. À la suite d'un « décalage entre le monde céleste et le monde terrien », il fait des séjours à l'hôpital psychiatrique. Sans domicile pendant de nombreuses années, il mendie à Lyon. Il est artiste, fou, génie, penseur délirant, mystique, sage, saint, érudit, drogué, clochard, extasié, il est un secret. Fatigué, de fin 2014 jusqu'à son décès en 2021, il occupera une minuscule chambre, peindra ses visions et continuera à faire 'aumône. Il entre dans la mort le 22 avril 2021. Ce livre de photos et textes est un hommage jubilatoire à la vie, la joie, la liberté et la marge.
Il y a un lieu et un moment où les vivants et les morts sont ensemble. Ce lieu est protégé. Tellement protégé qu'on en a oublié son existence. À la chambre mortuaire de l'hôpital Necker, l'auteur ressuscite un lieu de vie.
L'ensemble des textes qui forment le corpus a une seule dimension, humaine.
La terre remet ces vies fatiguées Dans ses Tiroirs mystérieux - Trop tendrement pour que l'on doute D'un ultime Repos - À la façon des Enfants - Lassés de la Journée - Eux-mêmes - Jouets turbulents Qu'ils ne peuvent ranger - Emily Dickinson, Une âme en incandescence, Paris, José Corti, 2001, p. 107.
« Pendant un an et demi, je suis allée à la chambre mortuaire de l'hôpital Necker (à raison d'un jour et demi par semaine) à la rencontre de ceux-là qui officient en des lieux reculés de notre conscience. Chaque rencontre appelait une suivante. Ce qui se partagea fut essentiel pour moi, comme pour Mireille Noury, cadre infirmier à la chambre mortuaire. Cette démarche relevait d'une infinie vitalité et était un pied de nez au morbide et au déni ambiant de la mort, aventure humaine qui si elle ne fait pas plaisir à vivre, est pourtant bien réelle. Impatiente d'être, je prenais en réalité conscience du cycle obligé de la vie, donc de l'existence de la mort en moi aussi.
J'en étais et sans toutefois le savoir encore au Funèbre, tel que défini par Marcel Guiomar : «Le Funèbre n'est ni projection vers un deuil factice et préalable à toute Mort véritable comme dans le Lugubre, ni un refus de la mort comme le Divertissement ; il est à chaque instant de notre vie le milieu juste, l'accord constant de chaque unité de rythme de notre vie avec l'approche régulière de notre Mort. Il n'en retarde ni n'en avance la pensée et l'échéance ; il est neutre.» »