Le sport a toujours été la propagande du progrès. La performance sur l'homodrome, le stade ou le cirque, engendre la mutation du corps. Avec le cavalier, le voilier, on assiste à un dédoublement de la corporéité de l'athlète et au développement de la vitesse. Après l'hippodrome, le vélodrome, l'autodrome, le vidéodrome fait apparaître le dédoublement de la personnalité. L'athlète est réduit à son image retransmise dans le monde entier pour la satisfaction des foules, pour le communisme des affects.
Paul Virilio livre dans ce court texte une histoire de l'homme en quête de vitesse jusqu'à l'inertie - en quête de désincarnation jusqu'à sa propre disparition. La modernité de sa théorie critique de l'accélération ne dissimule pas sa nostalgie d'un sport d'antan, qu'il qualifie crûment d'« art de la chair ».
Dans cet impromptu, Paul Virilio récrit " Le livre de l'Exode ", un exode non plus en ligne vers une éventuelle Terre promise, mais un exode en circuit fermé, dans un monde trop étroit où le déstockage de l'humanité surgirait telle l'unique solution au renfermement de l'histoire.
À l'heure où le Grand collisionneur du CERN de Genève poursuit sa ronde, à la recherche de " la particule de Dieu ", et à l'instant précis où les Etats-Unis renoncent à bivouaquer sur la Lune, pour financer le grand cirque des satellites, l'ère de l'anthropostatique sédentarité du peuplement humain va cesser devant l'exigence d'une mobilité forcée où les délocalisations et le désoeuvrement provoqueront le Grand Soir du Progrès.
péché originel ou accident de l'origine, comme la fin, le commencement est une limite, et les sciences et les techniques n'échappent pas plus que la philosophie à cette tare originelle.
dans cet essai, l'auteur de vitesse et politique développe donc la question de l'accident des connaissances et de l'urgente nécessité, sinon d'un musée, du moins d'un " conservatoire des catastrophes ". catastrophes industrielles ou naturelles dont la progression est devenue non seulement géométrique, mais géographique, si ce n'est cosmique. errare humanum, perseverare diabolicum, selon cet adage, le progrès de la catastrophe contemporaine exige une intelligence nouvelle oú le principe de responsabilité supplanterait définitivement celui de l'efficacité de ces technosciences arrogantes jusqu'au délire, qui engagent l'avenir dans un cul-de-sac, l'impasse tragique d'une démesure contre laquelle les mondes gréco-latin et judéo-chrétien s'étaient élevés dès l'origine de la civilisation occidentale.
Bombe atomique hier, bombe génétique demain, aucune d'entre elles n'est concevable sans la troisième du nom : la bombe informatique.
On ne comprendrait rien, en effet, à la déréglementation systématique de l'économie mondiale si l'on ne la rapprochait pas de la dérégulation systémique de l'information.
Krachs économiques en série, tests atomiques à répétition, décompositions politique et sociale, autant de signes annonciateurs d'un monde qui se prépare à répéter le drame de BABEL.
Premier critique du CYBERMONDE, Paul Virilio dénonce aujourd'hui non pas tant une technique, qu'un système interactif susceptible d'entraîner l'apparition de la CYBERBOMBE, autrement dit d'une catastrophique réaction en chaîne, dès que le confinement des échanges sera devenu global.
Chronique des derniers jours d'un millénaire, le livre de Paul Virilio n'est que l'avertissement sans frais de la guerre future, LA GUERRE DE L'INFORMATION.
Inspiré par la vision des militaires, Paul Virilio constatait en 1980 que le but recherché par le pouvoir était désormais «moins l'envahissement des territoires, leur occupation, qu'une sorte de résumé du monde, obtenu par l'ubiquité, l'instantanéité de la présence militaire, un pur phénomène de vitesse ». En 2009, il prolongeait :
« depuis plusieurs années, l'extérieur l'emporte partout sur l'intérieur et l'histoire géophysique se retourne tel un gant ».
La situation n'offre aucune prise, la « fin de l'Histoire» masque avant tout une fin de la géographie et de son continuum. L'immédiateté exclut l'étendue. Monde fini, fin de la géographie... mais comment donc reconfigurer l'espace pour calmer les flux ? La passion contemporaine pour l'édification de murs témoigne de cette ambivalence jouant simultanément sur la fermeture et l'ouverture, entre un pouvoir de plus en plus virtuel et de grossières barrières physiques, barricades ou corridors. À l'heure du « village planétaire », pensez donc ! Mais le village n'a-t-il pas toujours été dominé par l'isolement et la surveillance ?
Avec la crise de l'espace réel se profile le risque de l'enfermement des hommes sur une planète désormais réduite à rien. D'où cette irrépressible pulsion littoraliste qui caractérise notre modernité depuis plus d'un siècle et ne fait désormais que s'accentuer.
Lieu d'émergence de la politique, la cosmopolis l'est également de la stratégie, géopolitique et géostratégie se trouvant confondues dans ses murs, ses tours, sa voirie, ses places d'armes.
Cependant, depuis 2001, cette dimension géographique des conflits a radicalement changé de nature, au point que la concentration metropolitique l'emporte désormais sur l'antique géopolitique des nations. après hiroshima, l'attentat massif contre new york a en effet inauguré l'ère du " déséquilibre de la terreur " ruinant l'importance stratégique, non seulement du nombre d'adversaires en présence, mais également de toute étendue.
Centralisant ainsi l'effroi sur la seule concentration des métropoles, le caractère suicidaire de l'action engagée a ruiné, avec la forme militaire de la guerre, la forme politique de la cité. événement historique sans précédent oú disparaît, avec l'ennemi déclaré, la possibilité même d'une quelconque victoire. puisque l'on ne saurait gagner une " guerre " dont on ne connaît pas l'" ennemi ". après l'état suicidaire de la géopolitique des blocs est/ouest fondée sur la menace d'une destruction mutuelle assurée, surgit, en ce tout début du troisième millénaire, un nouveau type de mass killer, le suicide du terroriste remplaçant la mort au combat du citoyen-soldat.
Sans déclaration de guerre, sans drapeau, sans nom et surtout sans bataille, en l'absence de toute revendication politique, le tueur de masse susceptible d'éteindre toute vie dans la cité en utilisant des armes de destruction massive met fin à l'ère de la guerre géopolitique mondiale, pour inaugurer celle de la mondialisation d'un terrorisme métropolitique oú la perte d'importance de l'étendue territoriale des nations se trouve compensée par la masse critique de ces concentrations mégapolitaines que nul ne gouverne vraiment.
" Le monde de l'avenir sera une lutte de plus en plus serrée contre les limites de notre intelligence ", annonçait Norbert Wiener... À ce confinement s'ajoute aujourd'hui non seulement l'effet de serre du réchauffement climatique, mais aussi celui d'une incarcération dans les limites de plus en plus étroites d'une sphère d'accélération, d'une dromosphère où l'épuisement des distances de temps de la GEODIVERSITE du Globe parachève celui des substances de la BIODIVERSITÉ. Victime inattendue de cette forclusion géophysique : la science - la biologie mais aussi la physique, cette " Big Science " confrontée à la contraction de l'espace-temps du monde connu et d'un savoir jadis acquis ici-bas. D'où cette menace, encore inaperçue, d'un accident des connaissances qui viendrait redoubler celui des substances polluées et mettre un terme à cette crise de la raison dénoncée par Husserl, avec cette quête extravagante d'une EXOPLANÈTE de substitution, d'une nouvelle "Terre promise" à coloniser au plus vite ; le climat nécessaire à la vie de l'esprit comme à celle des corps s'apparentant désormais sur notre vieille Terre aux conséquences fatales d'une longue maladie nosocomiale.
Paul Virilio compte parmi les pensées les plus singulières de l'ère contemporaine. La vitesse et l'accélération sont au coeur de sa réflexion philosophique. Le fait sportif ne pouvait donc échapper à son expertise. Il nous livre ici avec une verve incomparable, une histoire de l'homme en quête de vitesse jusqu'à l'inertie - en quête de désincarnation jusqu'à sa propre disparition. C'est aussi en qualité d'urbaniste et professeur d'architecture, qu'il décrit la ville comme un stade. La modernité de sa théorie critique de l'accélération ne dissimule pas sa nostalgie d'un sport d'antan qu'il qualifie crument l'art de la chair.
Dans les balkans, l'otan a fait une expérience à ses dépends : on ne bombarde pas une guerre civile.
Demi-guerre non-déclarée, demi-défaite ou demi-victoire annoncée, la fin du conflit du kosovo ne résoud aucun des problèmes politiques de l'europe. victime pendant quarante années d'une stratégie de la dissuasion, fondée sur le primat de l'arme de destruction massive, notre continent voit maintenant lui succéder cette stratégie de la déception qui repose sur les capacités cybernétiques de l'information massive, mais surtout sur celles d'une désinformation généralisée.
Sous le vocable de la " global information dominance ", les etats-unis, ultime grande puissance, lancent maintenant la " révolution des affaires militaires ". face à l'inévitable prolifération des armes de destruction massive, mais aussi bien des actes de terrorisme, à l'arrêt du flux des ressources vitales, au mouvement incontrôlé et massif des populations, le nouveau concept stratégique élaboré à washington à l'occasion du cinquantième anniversaire de l'otan, s'engage dans la voie du contrôle et de la surveillance tous azimuts des phénomènes paniques que ne manquera pas de provoquer demain la mondialisation.
" L'art contemporain est en crise ", dit-on, sans comprendre que cette crise est contemporaine d'un effroi qui menace actuellement toute représentation.
Sans la terreur, les oeuvres du XXe siècle sont impensables, invisibles mêmes. Sans la montée des périls, le drame des apparences contemporaines est incompréhensibles, répréhensible selon certains... en fait, si au début du siècle dernier l'Art l'était encore que le prodrome des tragédies qui allaient bientôt l'endeuiller, au commencement du XXIe siècle, c'est à la science que revient le soin d'anticiper l'angoisse des temps nouveaux.
Exigeant à son tour une liberté d'expression à la hauteur de ses ambitions, la TECHNOSCIENCE inaugure un " expressionnisme " dont la démesure n'a d'égale que sa capacité à subvertir toute loi, toute éthique, au seul nom de sa toute-puissance. Finalement, pour Paul Virilio, l'auteur de ces conférences, la crise de l'art contemporain, c'est LE SALAIRE DE LA PEUR : peur d'une culture de masse menant à l'extermination et peur d'un silence identifié à la lâcheté puisque, comme chacun sait, qui ne dit mot consent.
Découvrez La pensée exposée, le livre de Paul Virilio. Paul Virilio a collaboré avec la Fondation Cartier pour l?art contemporain à de nombreuses reprises. Il a ainsi participé aux expositions Vraiment Faux (1988), La Vitesse (1991), Azur (1993), 1 monde réel (1999), Le désert (2000), Marc Newson, Kelvin 40 (2004), ainsi qu?à la conception de Ce qui arrive (2002) et Terre Natale (2008). La Pensée exposée. Textes et entretiens, coédité avec la Fondation Cartier pour l?art contemporain à Paris, réunit sous format poche l?ensemble des textes écrits par Paul Virilio à l?occasion de ses collaborations avec la Fondation Cartier. Fruit de plus de vingt ans d?échanges, cet ouvrage propose des textes critiques et des entretiens avec des artistes tels que Raymond Depardon, Andrei Ujica et M?bius, et met ainsi en évidence la pensée visionnaire de cet essayiste dont les textes sont toujours d?une incroyable actualité.
A l'origine de la science moderne se trouvent le principe d'inertie et celui de la relativité du mouvement exprimés par galilée.
Aujourd'hui, après des siècles de développement, les technosciences issues de cette pensée aboutissent à la généralisation de ce même principe : l'inertie devient l'horizon prioritaire de l'activité humaine. ce qui paraissait jusqu'à présent le signe du handicap et de l'infirmité - l'incapacité à se mouvoir pour agir - devient symbole de progrès et de maîtrise du milieu. a l'aménagement du territoire se substitue, dès lors, le contrôle d'environnement, un contrôle oú le temps réel de la téléaction l'emporte sur l'espace réel de l'action immédiate, la téléprésence à distance dominant la présence effective des personnes, tout arrive désormais, sans qu'il soit nécessaire de partir.
A l'arrivée restreinte des moyens de transport et de télécommunication succède alors l'arrivée généralisée des moyens de télécommunication instantanés, d'oú ce confinement domestique, cette inertie domiciliaire présentés le plus souvent comme le comble du confort et de l'autonomie.
Après l'insécurité du territoire et l'espace critique, l'inertie polaire parachève un triptyque ébauché il y a une quinzaine d'années par paul virilio et consacré à l'évolution du statut de l'espace contemporain.
Ce premier ouvrage critique sur les conséquences de la « déferlante virtuelle » fait désormais figure de référence. Paul Virilio est l'une des rares sentinelles à oser dénoncer les dangers d'Internet. S'insurgeant contre le fantasme de la démocratie virtuelle, il lance ici un véritable appel à la résistance. Il réfléchit à haute voix sur les conséquences morales, politiques et culturelles de l'accélération du temps mondial, le cybermonde.
Nanomètre, nanoseconde, avec les nanotechnologies c'est la question des nanochronologies qui se pose. Passé, présent ou futur, que reste-t-il des longues durées de l'Histoire générale ou des courtes durées de l'événementielle, devant cette absence de durée de l'instantanéité, sinon l'ébauche d'une histoire « accidentelle » celle-là, et d'une historicité purement automatique ?
Après l'accélération de l'histoire au siècle dernier, c'est donc l'accélération du réel qui s'apprête à remettre en cause, avec les « futurismes », l'ampleur d'une temporalité qui prétendait encore à l'urgence d'une Histoire totale.
Infiniment grand de l'historicité, infiniment petit de l'instantanéité, la question qui s'impose à nous est donc aujourd'hui celle d'une Histoire de l'accident de la temporalité classique ; non seulement celle des durées astronomiques des dégâts du Progrès, des déchets atomiques ou autres, mais encore et surtout, de l'absence de durée de nos diverses activités, et plus encore peut-être, de l'interactivité de relations humaines bientôt synchronisées. À défaut d'une introuvable « Fin de l'histoire », c'est sans doute là le signe de l'extinction prochaine de la chrono-diversité du sensible.
Conséquence directe du futurisme de l'instant réel, si nous ne croyons plus dès à présent au Progrès, l'effort technoscientifique mis sur le temps réel et ses nano-durées, comme par ailleurs dans le domaine du transport, sur la réduction des délais et des distances de l'espace réel, cette « fin de la géographie » débouche sur l'impasse de toute étendue et donc de toute perspective, l'essentiel du soi-disant « Progrès » se situant désormais dans l'intensivité de l'instant propice, au détriment de l'extensivité chronique d'un quelconque devenir.
En fait, avec la mondialisation de l'instantanéité et les nouveaux phénomènes de synchronisation et de simultanéité, si nous n'avons plus le temps d'avoir peur, nous avons l'espace, tout l'espace critique d'une panique « écologique » qui vient de débuter avec l'extinction de la chrono-diversité des rythmes de vie de l'humanité.