La vraie vie des Français n'est pas dans les théories générales ou les moyennes statistiques. Les principaux mouvements sociaux des dernières années, des manifestations sur les retraites aux Gilets jaunes ou au phénomène #MeToo, n'ont guère été éclairés par l'étude des structures globales de la société. Les nouvelles géographies des fractures politiques et l'instauration d'un climat de défiance ont certes été bien documentées. Mais la nature des attentes, des colères et des peurs dont elles dérivent n'a pas encore été déchiffrée.
Cet essai propose des outils pour ouvrir et décrypter cette boîte noire. Il se fonde pour cela sur une analyse des épreuves auxquelles les Français se trouvent le plus communément confrontés au quotidien. C'est en partant notamment des expériences vécues du mépris, de l'injustice, des discriminations et de l'incertitude que l'on peut comprendre autrement la société. Les émotions qui les accompagnent expliquent en effet au premier chef les comportements des femmes et des hommes d'aujourd'hui : ceux-ci ne se déterminent dorénavant plus en fonction de leurs seuls intérêts « objectifs ». Une autre manière de réagir aux événements et de produire du commun se fait donc ainsi jour.
Cette approche permet d'appréhender de façon originale la désaffection contemporaine pour la politique existante et indique la direction d'un véritable projet d'émancipation. Les Épreuves de la vie ouvre de cette façon une nouvelle étape du travail de l'auteur consacré à la redéfinition de la question sociale et aux conditions de l'approfondissement de la vie démocratique.
Parce qu'un essai vaut autant par le constat dressé que par les renouvellements esquissés, le texte de Pierre Rosanvallon est discuté et prolongé par quatre « rebonds et explorations » d'Aurélie Adler, Nicolas Duvoux, Emmanuel Fureix et Gloria Origgi, dans une démarche d'intelligence collective.
Ouvrage coédité avec La République des idées.
Le phénomène du populisme n'a pas encore été véritablement pensé. C'est en effet surtout à caractériser sociologiquement les électeurs populistes que se sont attachés la plupart des livres sur le sujet ; ou à discuter ce dont il est le symptôme (le désenchantement démocratique, les inégalités galopantes, la constitution d'un monde des invisibles, etc.) ; ou encore à sonner le tocsin sur la menace qu'il représenterait.
Cet ouvrage propose de le comprendre en lui-même, comme une idéologie cohérente qui offre une vision puissante et attractive de la démocratie, de la société et de l'économie. S'il exprime une colère et un ressentiment, sa force tient au fait qu'il se présente comme la solution aux désordres du présent. Il est pour cela l'idéologie ascendante du xxie siècle, à l'heure où les mots hérités de la gauche semblent dorénavant résonner dans le vide.
L'auteur en présente une théorie documentée, en retrace l'histoire dans celle de la modernité démocratique et en développe une critique approfondie et argumentée. Il permet ainsi d'en finir avec les stigmatisations impuissantes et dessine les grandes lignes de ce que pourrait être une alternative mobilisatrice à ce populisme.
Comment les enthousiasmes de Mai 68 ont-ils cédé le pas au désarroi des années 1980 et 1990 puis au fatalisme qui, depuis les années 2000, barre notre horizon politique et intellectuel ? Pourquoi la gauche s'est-elle enlisée dans un réalisme d'impuissance ou dans des radicalités de posture, au point de laisser le souverainisme républicain et le national-populisme conquérir les esprits ?
Pierre Rosanvallon se confronte ici à ces questions d'une double manière. En tant qu'historien des idées et philosophe politique, il s'attache à réinscrire les cinquante dernières années dans l'histoire longue du projet moderne d'émancipation, avec ses réalisations, ses promesses non tenues et ses régressions. Mais c'est également en tant qu'acteur et témoin qu'il aborde la lecture rétrospective de la séquence dont Mai 68 a symbolisé l'amorce. Son itinéraire personnel, les entreprises intellectuelles et politiques qui l'ont jalonné et les personnalités qui l'ont accompagné renvoient plus largement à l'histoire de la deuxième gauche, avec laquelle sa trajectoire s'est pratiquement confondue, et, au-delà, à celle de la gauche en général, dont l'agonie actuelle vient de loin.
À travers le retour sincère et lucide sur son cheminement, avec ses idées forces et ses doutes, ses perplexités et ses aveuglements, c'est une histoire politique et intellectuelle du présent que Pierre Rosanvallon retrace, dans des termes qui conduisent à esquisser de nouvelles perspectives à l'idéal d'émancipation.
Nos régimes sont dits démocratiques parce qu'ils sont consacrés par les urnes. Mais nous ne sommes pas gouvernés démocratiquement, car l'action des gouvernements n'obéit pas à des règles de transparence, d'exercice de la responsabilité, de réactivité ou d'écoute des citoyens clairement établies. D'où la spécificité du désarroi et de la colère de nos contemporains.À l'âge d'une présidentialisation caractérisée par la concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif, Pierre Rosanvallon montre que le problème n'est plus seulement celui de la « crise de la représentation ». Il est devenu celui du mal-gouvernement. Or la théorie de la démocratie a jusqu'à présent fait l'impasse sur cette question des rapports entre gouvernés et gouvernants en se limitant à penser la représentation et l'élection. Il est donc urgent d'aller aujourd'hui plus loin pour comprendre les mécanismes de ce mal-gouvernement et déterminer les conditions d'une nouvelle révolution démocratique à accomplir.Ce livre propose d'ordonner les aspirations et les réflexions qui s'expriment aujourd'hui dans de nombreux secteurs de la société civile et dans le monde militant autour de ces questions en distinguant les qualités requises des gouvernants et les règles organisatrices de la relation entre gouvernés et gouvernants. Réunies, celles-ci forment les principes d'une démocratie d'exercice comme bon gouvernement.Pierre Rosanvallon est professeur au Collège de France. Il anime également La République des Idées et le projet Raconter la vie. Après La Contre-démocratie, La Légitimité démocratique et La Société des égaux, Le Bon Gouvernement constitue le quatrième volet de son enquête sur la mutation des démocraties contemporaines.
- Nous vivons une véritable contre-révolution en matière d'inégalités : depuis les années 1980, les 1 % les plus riches de la population n'ont cessé de concentrer une part croissante des revenus et des patrimoines. Le retour au XIXe siècle est en marche.Les causes économiques et sociales de cette situation sont connues. Mais la panne de l'idée d'égalité a aussi joué un rôle majeur en conduisant à délégitimer l'impôt et les actions de redistribution. Du même coup, le sentiment que les inégalités sont globalement trop fortes voisine avec une acceptation informulée de leurs multiples expressions, autant qu'avec une forme d'impuissance à les corriger. Comment refonder l'idée d'égalité pour lui donner un nouvel élan ? L'ouvrage contribue à cette entreprise d'une double façon. En retraçant d'abord l'histoire des débats et des luttes qu'a suscités depuis deux siècles la question, il montre notamment le caractère récurrent de ses dérivatifs identitaires et xénophobes et éclaire la situation présente d'un jour nouveau. En appréhendant ensuite l'égalité comme relation sociale, et pas seulement comme forme de justice distributive, il permet de ressaisir dans un même cadre de réflexion les controverses actuelles sur la diversité. Sur cette base, l'auteur formule une théorie générale inédite de l'égalité.
Le citoyen des démocraties modernes aurait déserté le forum pour se réfugier dans la sphère privée, répètent à l'envi les pessimistes. Ce jugement ignore en réalité une large part de notre vie politique. En marge des procédures institutionnelles censées installer la confiance entre gouvernants et gouvernés, s'est en effet développé un vaste continent de la défiance active. Surveiller, empêcher et juger sont ainsi devenus les travaux quotidiens des citoyens de la « contredémocratie ». C'est cette face cachée de l'activité démocratique dont Pierre Rosanvallon propose ici la première théorie d'ensemble. En l'inscrivant dans un cadre historique et politique élargi, ce livre éclaire d'un jour nouveau les mobilisations négatives qui émaillent notre vie publique au risque de la paralyser.
Le très petit nombre des travaux consacrés à l'histoire de l'État français contraste singulièrement avec la vigueur des jugements qui s'expriment à son propos.D'où le décalage : l'État comme problème politique, ou comme phénomène bureaucratique, est au coeur des passions partisanes et des débats philosophiques tout en restant une sorte de non-objet historique.Ce quasi-vide, Pierre Rosanvallon a voulu commencer à le combler dans cet ouvrage, qui est à la fois bilan et programme. Bilan, il propose une première synthèse des travaux disponibles et offre une vaste bibliographie commentée. Programme, il dessine un nouveau cadre conceptuel pour comprendre l'histoire de l'État.Rompant avec les approches étroitement quantitatives du poids de l'État et avec les catégories platement descriptives des "domaines d'intervention", ce livre analyse de manière dynamique la façon dont se sont formées et développées les différentes figures du rapport État/société. Il appréhende ainsi successivement le Léviathan démocratique (l'État souverain constitué par la société), l'instituteur du social (l'État producteur de lien social et d'unité), l'État providence (l'État réducteur d'incertitudes) et le régulateur de l'économie (l'État keynésien), en réfléchissant en permanence sur les spécificités du cas français.
Le peuple est la source de tout pouvoir démocratique. Mais l'élection ne garantit pas qu'un gouvernement soit au service de l'intérêt général, ni qu'il y reste. Le verdict des urnes ne peut donc être le seul étalon de la légitimité. Les citoyens en ont de plus en plus fortement conscience. Une appréhension élargie de l'idée de volonté générale s'est ainsi imposée. Un pouvoir n'est désormais considéré comme pleinement démocratique que s'il est soumis à des épreuves de contrôle et de validation à la fois concurrentes et complémentaires de l'expression majoritaire. Il doit se plier à un triple impératif de mise à distance des positions partisanes et des intérêts particuliers (légitimité d'impartialité), de prise en compte des expressions plurielles du bien commun (légitimité de réflexivité), et de reconnaissance de toutes les singularités (légitimité de proximité). D'où le développement d'institutions comme les autorités indépendantes et les cours constitutionnelles, ainsi que l'émergence d'un art de gouvernement toujours plus attentif aux individus et aux situations particulières.Nous sommes entrés dans ce nouveau monde sans en avoir perçu la cohérence ni interrogé lucidement les problèmes et les conséquences. C'est à en dévoiler les ressorts et les implications que s'emploie ici Pierre Rosanvallon. Après avoir publié La Contre-démocratie (Seuil, 2006), il propose, dans ce deuxième volet de son enquête sur les mutations de la démocratie au XXIe siècle, une histoire et une théorie de cette révolution de la légitimité.Accédez à une critique du livre, sur nonfiction.fr.Pierre Rosanvallon est professeur au Collège de France. Il est le directeur du site laviedesidees.fr et anime par ailleurs la République des idées.
La démocratie constitue, depuis deux siècles, l'horizon du bien politique.
Mais elle semble en même temps inachevée ou trahie. Une des principales raisons de ce malaise tient à une difficulté de figuration : l'avènement d'un monde d'individus rend la société moins lisible en ses différences. Il y a ainsi une tension qui se noue entre l'évidence du principe politique de la démocratie et le caractère plus incertain de son fondement sociologique. Le peuple est sacré souverain au moment où il paraît plus insaisissable.
Dès le départ, le problème des conditions d'une " bonne " représentation politique s'est posé et il n'a pas cessé depuis. Pierre Rosanvallon s'attache à contruire l'histoire de cette question. Partant des formulations et des expériences de la période révolutionnaire, il reprend ensuite le fil des interrogations et des tâtonnements du XIXe siècle pour montrer comment s'est constituée, au tournant du XXe siècle, une démocratie d'équilibre.
Le rôle reconnu aux partis politiques, l'adoption de nouvelles techniques électorales, la place faite à des corps intermédiaires comme les syndicats, le développement des sciences sociales même ont alors apporté des éléments partiels de réponse au déficit originaire de figuration. Ce qu'il est convenu d'appeler la " crise de représentation " doit être compris comme résultant, depuis les années 1970-1980, de l'érosion de cette démocratie d'équilibre.
Les transformations de la société et l'épuisement des institutions se sont alors conjugués pour faire retourner la démocratie à ses apories premières. D'où le trouble et le désarroi qui accompagnent l'entrée dans ce qui marque un troisième âge de la démocratie. Poursuivant la recherche menée dans le Sacre du citoyen (Gallimard, 1992) sur l'avénement du suffrage universel, cet ouvrage constitue le second volet d'une histoire intellectuelle d'ensemble de la démocratie moderne.
La démarche de l'historien dans ce travail, une réflexion de philosophie politique pour éclairer le citoyen.
De la Révolution à la fin du XIXe siècle, la question du suffrage universel a été au centre des passions sociales, des affrontements politiques et des perplexités intellectuelles. Elle a noué ensemble toutes les interrogations sur le sens et les formes de la démocratie moderne : rapport des droits civils et des droits politiques, de la légitimité et du pouvoir, de la liberté et de la participation, de l'égalité et de la capacité. Si la démocratie est à la fois un régime (la souveraineté du peuple) et une religion (la célébration d'une société des égaux), elle trouve dans le suffrage universel sa double matrice. L'auteur s'attache à reconstruire dans toute sa complexité l'histoire intellectuelle de cette conquête. La figure du citoyen reste, en effet, attachée à celle de l'individu moderne : la femme, le mineur et le domestique, qui symbolisent la dépendance sociale, se voient ainsi écartés des urnes en 1789 par ceux-là même qui célèbrent le culte de l'humanité. L'histoire sociale se double donc d'une perspective anthropologique : la citoyenneté ne peut être pensée que dans le prolongement du processus d'émancipation de l'individu.
L'Etat-providence est toujours en crise.
Mais celle-ci a changé de nature. Au-delà des lancinants problèmes de financement et de gestion, au-delà des questions posées sur l'efficacité du système de redistribution, ce sont les principes organisateurs de la solidarité et la conception même des droits sociaux qui se trouvent remis en cause. La crise est maintenant d'ordre philosophique. Elle est liée à l'avènement d'une nouvelle question sociale.
Il ne s'agit plus seulement, comme il y a dix ans, de relégitimer l'Etat-providence. Devant les fractures sociales des années 1980, l'intervention publique a en effet retrouvé toute sa justification. C'est à une refondation intellectuelle et morale qu'il faut aujourd'hui procéder. Pierre Rosanvallon explore, dans ce livre, les formes que pourrait prendre un Etat actif-providence lié au développement de la citoyenneté sociale.
Il invite notamment à enrichir la notion de droit social, à reformuler la définition du juste et de l'équitable, à réinventer les formes de la solidarité. Cette recherche est indissociable d'une pratique plus active de la démocratie et d'une idée renouvelée de la nation. Ce livre propose une rediscussion d'ensemble de la question sociale. Il prolonge et renouvelle profondément les analyses désormais classiques que l'auteur avait menées dans la Crise de l'Etat-providence.
À l'aube du XXIe siècle, la démocratie est à la fois triomphante et incertaine. L'évidence désormais universellement revendiquée de ses principes s'accompagne en effet d'une perplexité croissante sur les formes de son accomplissement. D'un côté, les hommes et les femmes aspirent à davantage de pluralisme et de décentralisation, à l'extension des contre-pouvoirs et à un contrôle des institutions démultiplié au plus près des réalités. De l'autre, ils expriment une demande accrue de politique et souhaitent la plus forte affirmation d'un lieu central dans lequel puisse s'exprimer et prendre forme une volonté commune efficace, conjurant le péril d'une «gouvernance sans gouvernement». Cet ouvrage éclaire les termes de cette question en reconsidérant l'histoire du cas français qui a constitué depuis deux siècles un laboratoire exemplaire de la tension moderne entre le particulier et le général, les corps intermédiaires et l'État.Si le procès de la centralisation et du jacobinisme a mille fois été instruit depuis Tocqueville, il y a une autre histoire qu'il convient de prendre en compte pour saisir la marche effective des choses :
Celle des fortes résistances à ce jacobinisme. Car ce «modèle» n'a pas cessé d'être massivement dénoncé ou critiqué en même temps qu'il était généralement décrit comme dominant. Du même coup, il n'est pas resté figé dans sa forme native et s'est largement amendé.
En resituant ainsi la prégnance de la culture politique illibérale hexagonale dans le cadre dynamique des épreuves et des contraintes auxquelles elle n'a cessé d'être confrontée, Pierre Rosanvallon est conduit à proposer une nouvelle interprétation d'ensemble du système français.
Mon ambition est de penser la démocratie en reprenant le fil de son histoire.
Mais il est tout de suite nécessaire de préciser qu'il ne s'agit pas seulement de dire que la démocratie a une histoire. Il faut considérer plus radicalement que la démocratie est une histoire. L'objet de l'histoire conceptuelle du politique est ainsi de suivre le fil des expériences et des tâtonnements, des conflits et des controverses, à travers lesquels la cité a cherché à prendre forme légitime.
En retraçant la généalogie longue des questions politiques contemporaines, il s'agit de reconstruire la façon dont des individus et des groupes ont élaboré leur intelligence des situations, de repérer les récusations et les attractions à partir desquelles ils ont formulé leurs objectifs, de retracer la manière dont leur vision du monde a borné et organisé le champ de leurs actions. C'est pour cela une histoire qui a pour fonction de restituer des problèmes plus que de décrire des modèles.
L'histoire ainsi conçue est le laboratoire en activité de notre présent, et non pas seulement l'éclairage de son arrière-fond. L'attention aux problèmes contemporains les plus brûlants et les plus pressants ne peut se dissocier pour cette raison d'une méticuleuse reconstruction de leur genèse. P. R.
Guizot, comme tous les penseurs libéraux de la Restauration et de la monarchie de Juillet, a été longtemps négligé, pris qu'il était entre les deux temps forts de la théorie politique moderne : l'apogée révolutionnaire du rousseauisme d'un côté, les commencements de la tradition socialiste de l'autre. La réévaluation de ce courant de pensée a commencé avec Tocqueville, avec Benjamin Constant. Elle s'affirme avec Le moment Guizot. Phénomène normal après la crise du marxisme et celle de toute la pensée de gauche : il s'agit, pour une génération nouvelle, de penser à neuf la politique en remontant aux origines du grand débat autour du libéralisme et de la démocratie.
On ne trouvera donc ici ni une biographie intellectuelle ou politique, ni une histoire de Guizot dans son temps. Mais un effort pour dégager le système qui sous-tend la pensée de Guizot. En évitant d'opposer, comme on le fait ordinairement, la période «libérale» de l'opposant d'avant 1830 à la période «conservatrice» de l'exercice du pouvoir. L'ouvrage reconstitue la logique interne d'une pensée qui condense, de façon exemplaire, les acquis et les impasses du cvonservatisme libéral dans sa plus forte expression française. Le moment Guizot ou les paradoxes de l'éducation politique de la bourgeoisie au XIXe siècle.
Une impression d'abandon exaspère aujourd'hui de nombreux Français. Ils se trouvent oubliés, incompris, pas écoutés. Le pays, en un mot, ne se sent pas représenté. Le projet « Raconter la vie », dont cet essai constitue le manifeste, a l'ambition de contribuer à le sortir de cet état inquiétant, qui mine la démocratie et décourage les individus. Pour remédier à cette malreprésentation, il veut former, par le biais d'une collection de livres et d'un site internet participatif, l'équivalent d'un Parlement des invisibles. Il répond ainsi au besoin de voir les vies ordinaires racontées, les voix de faible ampleur écoutées, la réalité quotidienne prise en compte.
A trois reprises _ en 1791, 1814, et 1830 _, la France a cherché à conjuguer le principe monarchique avec les libertés modernes. Ces trois tentatives se sont soldées par des échecs. Les circonstances ont certes eu leur part dans cette répétition, mais elles n'expliquent pas tout: dans la plupart des pays européens, la monarchie constitutionnelle a servi de cadre presque naturel à la transformation des institutions politiques, permettant un passage apaisé vers des régimes libéraux et démocratiques _ à tel point que, dans nombre d'entre eux, la monarchie subsiste formellement aujourd'hui. Comment expliquer ce qui apparaît là encore comme une singularité française?En faisant l'histoire des Chartes de 1814 et 1830, en rappelant les étapes de leur élaboration et en observant leur fonctionnement, Pierre Rosanvallon ne se limite pas à une approche juridique. Il propose une interprétation d'ensemble du difficile accouchement de la démocratie libérale en France. Au-delà des passions liées à la question du régime , l'impossibilité de la monarchie constitutionnelle à exister de façon stable renvoie en effet à un certain déficit libéral de la culture politique française.En deux siècles, treize constitutions se sont succédé en France. Or une constitution n'est pas qu'un instrument juridique. Elle exprime toujours une certaine conception du pouvoir et de l'Etat, et traduit un rapport de forces politiques. D'où l'intérêt d'une Histoire des Constitutions, conçue non pas en termes de droit constitutionnel, mais comme un révélateur des idées et des forces politiques en France depuis la Révolution.Historien et sociologue, Pierre Rosanvallon directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), où il anime le Centre de recherches politiques Raymond Aron, est également secrétaire général de la fondation Saint-Simon. Il a publié Le moment Guizot (1985), L'Etat en France de 1789 à nos jours (1990) et Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel (1992).
L'idéal démocratique règne désormais sans partage, mais les régimes qui s'en réclament suscitent partout de vives critiques. L'érosion de la confiance dans les représentants est ainsi l'un des problèmes majeurs de notre temps. Mais, si les citoyens fréquentent moins les urnes, ils ne sont pas pour autant devenus passifs : on les voit manifester dans les rues, contester, se mobiliser sur Internet... Pour comprendre ce nouveau Janus citoyen, cet ouvrage propose d'appréhender les mécanismes d'institution de la confiance et l'expression sociale de la défiance comme deux sphères et deux moments distincts de la vie des démocraties. L'activité électorale-représentative s'organise autour de la première dimension : c'est elle qui a été classiquement étudiée. Mais la seconde n'a jamais été explorée de façon systématique. C'est à quoi s'attache Pierre Rosanvallon en proposant une histoire et une théorie du rôle structurant de la défiance dans les démocraties.
La démocratie représentative s'impose dans son principe en même temps qu'elle se fragilise dans son fonctionnement. Si la démocratie peut être banalement définie comme la mise en oeuvre de la souveraineté du peuple, le contenu même de cette dernière semble en effet aujourd'hui se dissiper. Progression de la mondialisation économique, accélération de la construction européenne, croissance du rôle du droit, montée en puissance des instances de régulation non élues, rôle plus actif du Conseil constitutionnel : de multiples évolutions convergent pour ébranler les objets et les modes d'expression acquis de la volonté générale.
Le but de cet ouvrage est d'éclairer ces questions présentes en les resituant dans une histoire longue et élargie du problème de la souveraineté du peuple. Car les interrogations sur le sens et les formes adéquates de cette souveraineté ne datent pas d'aujourd'hui. Si elle apparaît depuis plus de deux siècles comme l'incontournable principe organisateur de tout ordre politique moderne, l'impératif que traduit cette évidence fondatrice a toujours été aussi ardent qu'imprécis.
À distance des démissions ou des simplifications contemporaines, Pierre Rosanvallon entend montrer que le projet d'une souveraineté plus active du peuple reste toujours pertinent et qu'il peut dorénavant être compris en des termes qui renforcent la liberté au lieu de la menacer.
Gaz de schiste, OGM, énergie nucléaire, cellules souches, changement climatique, efficacité des médicaments. La science, plus que jamais, suscite la méfiance, voire la défiance, des citoyens. Pour une large part, cela vient d'une incompréhension de ce qu'est la démarche scientifique.
« À l'occasion du colloque de rentrée du Collège de France organisé à l'automne 2013, des scientifiques, des historiens, des juristes et des politiques se sont attachés à analyser et à clarifier les enjeux technologiques et scientifiques, en s'appuyant sur des exemples concrets au coeur des débats les plus actuels : comment aborder dans une société démocratique le problème du renouvellement des énergies et du remplacement des énergies fossiles par des formes d'énergie moins polluantes, ou celui qui lui est lié du réchauffement climatique, ou encore celui des thérapies géniques, en utilisant de la façon la plus rationnelle possible ce que la science nous apprend, pour optimiser la réponse de la société aux défis qui lui sont posés ? » S. H.