Vera, coureuse de 24 heures non-stop, se souvient de sa dernière compétition, de sa rhino-pharyngite et du médoc qu'elle avait pris, et qui contenait de l'éphédrine. Condamnée pour dopage, elle a dû ronger son frein hors du circuit pendant huit ans. Aujourd'hui, elle revient et sa rivale est toujours l'Espagnole Michèle Colnago. Mais cette année, Michèle a décidé de profiter de l'épreuve pour se débarrasser de la pression masculine.
Une course à bout de souffle, oppressante, dont l'issue ne se joue pas forcément entre les athlètes.
Quand la narratrice gagne un homard vivant à la tombola, elle ignore encore qu'elle ne pourra l'ébouillanter. Mais entre-temps, elle s'est débarrassée d'un pic à glace, car c'est l'utilité des tombolas : on fait le ménage dans les placards. Près des plages, un premier touriste anglais est retrouvé mort. Puis un second. Est-ce trop pour une petite ville bretonne de 3000 âmes ? Doit-on parler de serial killer, de Bretagne aux bretons ?
L'écriture de Pascale Dietrich se fait vive et sautillante pour nous parler d'une bourgade où la mer ne suffit pas à faire le bonheur. On décèle chez elle une indulgence à l'égard des amours compliqués : ceux qui versent dans la violence pour goûter à la fusion. Un premier livre composé d'une main sûre.
À Douarnenez, ville ouvrière et festive, les spéculateurs de l'immobilier et du tourisme saisonnier sont aux taquets. Encore faut-il virer les habitants des bâtiments convoités, occupés par des familles modestes. André, agent immobilier, mène la chasse aux bonnes affaires. Un immeuble délabré avec vue sur la mer attire particulièrement sa convoitise. Ses locataires, Lola, intérimaire à la conserverie, et Alex, jeune slameur mutique, refusent de partir, même si la mère d'Alex, la Tit'Annick, sombre lentement. Prise d'un accès de fièvre, Douarnenez ne veut pas perdre son âme et muter en cité balnéaire aux volets clos. Mais voilà qu'arrivent les Gras, le carnaval de tous les dangers...
Dans les années 70, Paul McCartney a commencé le second chapitre de sa vie. Il a formé les Wings, avec sa femme Linda, et se lance dans une tournée à bord d'un bus à impériale. Du côté d'Abbeville, destination également choisie par un groupe de rock qui bat de l'aile. Mais à cette époque, les paysans du nord goûtent assez peu les hippies à cheveux longs et idées courtes. Deux arriérés ont même décidé, cette année-là, de bouffer du rosbif. Pierre Mikaïloff est écrivain, et critique musical. Avec son humour grinçant, dévastateur, cette novella est à l'exacte intersection de ses talents.
Une mère et son jeune garçon vivent en HLM dans une cité pouilleuse. Sans ressources mais obsédée par l'apparence et les vêtements, elle habille son fils avec sophistication, telle une star enfantine ou un acteur à sa disposition. Tout l'argent des allocations dispensé par la mairie est englouti dans de luxueux magasins. L'enfant est moqué par ses instituteurs et méprisé par les gamins du quartier. Jusqu'à ce qu'une assistante sociale impose le principe qui prévaut : les pauvres doivent ressembler à des pauvres.
Les allocations de secours sont supprimées, et la mère perd pied, au bout du rouleau. On lui a volé son rêve.
Le far west n'est plus ce qu'il était, et le shérif de ce bled paumé du Mississipi est dubitatif : se balader en ville avec un lézard d'un mètre de long constitue-t-il un crime fédéral ? En cas de délit avéré de zoophilie avec un lama, faut-il vraiment incarcérer le lama ? Et pour couronner le tout, il faut convaincre Janice de ne plus laisser sa fille aveugle s'entraîner au tir avec la vieille Winchester familiale.
Même les Indiens ont changé : ceux que Lila porte dans son coeur sont en Amazonie, cernés par un monde moderne qui les écrase. Est-ce pour les rejoindre qu'elle a faussé compagnie à Damien ?
Après Cannisses et Tamara, suite et fin, Marcus Malte confirme ici une capacité à s'approprier, avec un égal bonheur, des univers différents, tout en pratiquant le mélange des genres.
Ainsi, des situations cocasses à la Westlake masquent à peine un cocktail détonnant cher aux états du sud : ségrégation raciale encore vivace, homophobie latente, culte des armes, misère...
De même, personnages hauts en couleur cotoyent personnalités complexes et tourmentées : drame et légèreté se complètent toujours avec justesse.
Julien, trentenaire autiste, tient une baraque à frites avec Maman. Elle n'a pas son pareil pour gérer les quantités, patates pelées, bains d'huile, fûts de bière, ou rendre la monnaie. La maîtresse femme tient aussi à distance les petits cons qui roulent des mécaniques. De loin, Mike, l'ami de la famille, veille, vérifie la recette. Mais un matin, Maman ne se lève pas. Héritier du roman noir social, Jérémy Bouquin met en scène les gens modestes. Il évoque la stigmatisation en milieu rural dans Le Sorcier, et les enfants placés dans Maurice.
C'est une nouvelle fois dans le milieu de la batellerie, qu'il connaît parfaitement, que Dominique Delahaye plante le décor de son roman.
Fils de marinier, jeune voyou au grand coeur, Thomas perd toutes ses illusions pendant ses huit années passées sous les verrous. À sa sortie, il ne pourra s'accrocher à aucun des liens du passé : sa mère est placée en maison de retraite, Nacira, son amour de jeunesse est désormais mariée, la péniche de ses parents a été bradée à un cousin peu scrupuleux. Il ne lui reste plus qu'à récupérer le butin d'un larcin commis autrefois...
Dominique Delahaye, dans un style limpide, place l'humain au centre de son intrigue. Tout ce qui fait et détruit un être est présent : l'amitié, la haine, l'amour, la trahison, la violence. Difficile pour Thomas, fragile et sensible, d'envisager un futur, une existence normale.
Dans ma boîte, je suis le meilleur, mais je sais aussi que je vais bientôt devoir prendre ma retraite. Et je veux laisser ma place à quelqu'un d'aussi bon que moi, un héritier, si tu veux. Il s'appelle Juan.
Ce boulot, c'est celui d'un tueur à gages, qui termine sa carrière après avoir gravi les échelons de la hiérarchie comme dans tout bonne multinationale qui se respecte. À Barcelone et Madrid, côté rue le jour, et côté bar la nuit, se croisent des prostituées, un flic sur le déclin, un candidat au suicide... Autant de personnages truculents qu'un tourbillon de péripéties précipite aussitôt dans des situations rocambolesques. Humour et dérision sont la marque de fabrique de Carlos Salem. Cette fois encore, l'écrivain argentin ébouriffe le polar d'une loufoquerie jubilatoire.
Autour de minuit, les chats sont parfois gris et la réalité bascule du côté obscur. Quatre écrivains racontent ici comment la nuit modifie les choses et les individus. Le héros de Carlos Salem croise une blonde aux pouvoirs inquiétants, celui d'Anne-Céline Dartevel travestit les apparences, le pompiste de Marin Ledun paye cher un plein d'essence et la vendetta corse n'est pas une figure de style avec Elena Piacentini.La nuit reste le moment favori des écrivains de roman noir qui mutent en voyeurs et se tiennent sur une ligne de crête entre violence et poésie.
28 novembre 1981. Le yacht de l'acteur Robert Wagner s'élance dans la baie de Los Angeles. Natalie Wood, sa femme, est à bord, ainsi que la belle gueule de Christopher Walken, et une cargaison illicite - dix kilos de cocaïne et 250.000 dollars en liquide - que Wagner devra rendre, bien entendu. Mais rien n'est simple à Hollywood et la trahison rôde.Marin Ledun revient sur la noyade d'une icône, révélant sous son vrai jour la faune du cinéma des seventies. Frelatée, décadente et vendue. Les acteurs doivent rester des acteurs et les truands des truands, surtout dans la vraie vie où l'on ne meurt qu'une fois.Infidélité, règlements de compte, disparition de la came, puis noyade, c'est un feu d'artifice qui se déroule sur un yacht de stars, cette nuit de Thanksgiving 1981. Marin Ledun revient sur un fait divers qui a défrayé la chronique : la mort étrange par noyade de Natalie Wood, une égérie de Hollywood (affaire jamais résolue). No more Natalie reproduit l'atmosphère à la fois glamour et vénéneuse du cinéma et du polar américain des seventies. Les acteurs sont terriblement séduisants, mais chaque membre du trio puis quintet infernal, jouant sa propre partie, finit par révéler son vrai visage. Machiavélisme et faux-semblants apparaissent en plein jour quand les festivités - paillettes, fric, partie fine, drogue et alcool - cèdent la place à la gueule de bois. Un polar psychologique terriblement bien ficelé, qui ne cesse de surprendre, chapitre par chapitre, le lecteur.
Dans un lotissement de province, un homme tente de surmonter la mort de sa femme et d'élever seul leurs deux enfants.
Retranché derrière ses cannisses, il observe ses voisins : un couple et leur petite fille. Une famille unie, en bonne santé, qui vit avec insouciance et légèreté dans un pavillon semblable au sien.
Des gens heureux. Pourquoi eux et pas lui ?
A quoi ça tient, le bonheur ? A presque rien. A un fil. A l'emplacement d'une maison. A un numéro sur la façade. Peutêtre.
Ce qui est sûr, c'est qu'une simple rue, parfois, sépare la raison de la folie. Il suffit de la traverser pour que tout bascule.
Avec Cannisses, l'auteur nous entraîne, doucement mais inéluctablement, dans le récit de la douleur ordinaire. Et de l'horreur absolue.
Ces deux dernières années ont été marquées par la montée en puissance et la radicalisation des femmes en colère. Des Pussy Riot aux Femen, elles investissent les rues, défilent à moitié nues et se badigeonnent le corps de slogans. Aux lourdes organisations masculines, les femmes préfèrent les commandos. Quatre écrivains se penchent sur des femmes en colère. Politiques chez Didier Daeninckx, revanchardes avec Marcus Malte, éprises de justice en compagnie de Dominique Sylvain ou hébétées chez Marc Villard, elles avancent pour affirmer leur existence et redonner du sens à leur vie.
Quatre grands noms de la littérature noire... qui signent des textes inédits. Les personnages centraux : les femmes ou plutôt LA femme : ce ne sont évidemment pas les femmes qui constituent la majorité des rebelles/voyous/meurtriers/vengeurs en littérature. Ce ne sont pas des collectifs de femmes qui s'expriment, ce ne sont pas des textes sur les luttes féministes, ce sont des itinéraires individuels, des personnages fortement campés et incarnés, qui disent quelque chose de la condition féminine aujourd'hui à travers leurs histoires.
De nos jours, à Paris, un sans-abri a élu domicile sur un banc du côté de l'Arsenal. Un copain, un frère, est assassiné, puis un second, puis un troisième. Parallèlement, notre homme est un peu amoureux d'une prostituée en provenance des pays de l'Est. L'immobilier et les macs rodent dans ce quartier, tellement proche du Marais. Mais qui peut en vouloir aux sans-abris qui n'ont rien à offrir ?
Jean-Luc Manet, en bonne forme, nous parle d'un quotidien trop connu sous la lumière d'un Doisneau du trottoir.
Dans un hameau isolé de la Corse, l'instituteur à la retraite a racheté la maison voisine de celle de Séverin, son ancien élève devenu éleveur. Devenus amis, il tente en vain de le protéger de la haine que lui porte son frère Antoine, maladivement jaloux depuis toujours de son aîné.
Tamara est une guyanaise née en 1946. Elle hérite d'une maison dans la campagne française et se lance dans l'élevage de cochon. Elle est donc noire, étrangère au village et travaille comme un homme. Certains cerveaux malades ne le supportent pas. Sa seule amie, une gamine, doit se battre pour la fréquenter. Un matin, Tamara décide d'en finir avec l'oppression agricole.
Une enfant perdue par la drogue squatte la maison secondaire d'une famille sans histoire, un chasseur au visage brûlé par la vie renverse une jeune fille dans les brumes de l'hiver. Belle et Thomssen règlent leurs comptes d'amour et de haine dans du mauvais alcool, et Jill visite une ferme dont les habitants vivent tels au siècle dernier... Il est loin "le rêve américain". Ces quatre histoires nous plongent dans la rude beauté d'une Amérique restée sauvage, un pays où les terres sont vastes, les héros magnifiques et solitaires, la vie fragile et palpitante comme un petit coeur qui bat.
Un style puissant, nerveux, précis, une écriture qui vous prend aux tripes. Bonnie Jo Campbell nous livre ici des histoires noires qui campent une Amérique bien loin du "rêve américain", des situations où l'homme est un être livré à la dureté du monde. Ces récits sont pourtant teintés de lumière et d'optimisme, nous montrant que nos faiblesses se guérissent au contact des autres, que la médiocrité de nos trahisons quotidiennes, de nos actes manqués, n'oblitère pas la solidarité, le sursaut de volonté.
À Santa-Maria de Cicero, plusieurs femmes pénètrent dans la Nova Caixa, la caisse d'épargne espagnole puis se barricadent dans le bureau du directeur de l'agence régionale. Et là, chacune passe en revue sa vie de misère, bafouée par, entre autres, les placements pourris de la Caisse. La plus jeune des révoltées a 75 ans et faire sauter son tee-shirt ne lui pose pas problème.La nouvelle est aussi incluse dans le coffret Femmes en colère.L'humour et le sens de la surprise viennent tempérer la noirceur du propos de Didier Daeninckx. L'auteur dénonce les ravages humains que produisent les mécanismes du capitalisme financier, à travers une fiction si bien exécutée qu'elle en devient hautement probable.
Quatre nouvelles dans lesquelles les personnages sont plongés dans une Amérique restée sauvage et confrontés à la fragilité de l'existence.
Trente ans que Jean-Claude Antonave travaille comme comptable pour Frangrin, une usine d'aliments pour chiens. Son quotidien, réglé au millimètre près, bascule quand les investisseurs américains qui ont racheté l'entreprise décident de délocaliser en Slovaquie. Il revient à Jean-Claude de former la personne qui le remplacera sur le site de Bratislava. Quand une belle fille, sexy en diable, descend de l'avion, le quinquagénaire célibataire se met à rêver d'une idylle, loin de sa mère impotente et castratrice.
Un marathonien du Blanc hante les rues de Paris à la recherche du bistrot parfait.
Celui qui proposera mieux que Cabernet ou Sauvignon. Les établissements se succèdent et ne se ressemblent pas. Dans sa quête, il utilise un jeu de Monopoly et découvre ainsi des quartiers qu'il avait jusque-là négligés. Pendant ce temps, un groupe de tueurs prépare une descente dans un vieux rade. Le Bar parfait est une ballade au pays de l'alcool chaleureux, des éblouissements autour du zinc, des ivresses des arrières-salles enfumées.
On marche dans la lumière sourde des bar-tabacs en compagnie d'un narrateur qui ressemble terriblement à un Jean-Bernard Pouy.
« C'est vrai, vieux Bob a pas pu s'empêcher. C'était si bon, le calme et puis la sciure sous son ventre, bref, il a pas pu se retenir. À coups de pompe dans le train il se traîne jusqu'à l'arbre, lève à peine la patte, fait trois gouttes qui se perdent dans ses poils. » Un vieux clébard incontinent, un simple d'esprit fasciné par les avions, deux étrangers dans le métro qui ne savent se dire leur attirance, les personnages de ces neuf nouvelles sont attendrissants. S'ils sont pathétiques ? Oui. Et meurtriers, souvent.
Elsa et Cédric ont pris leur décision en commun : enfanter par procuration. La mère porteuse se nomme Issara et l'enfant vivra. Mais aujourd'hui, Elsa marche dans les rues de Bangkok, le cerveau en feu, en quête de son enfant et peut-être aussi de son amour trahi. Cette soif de vengeance butera sur le réel. Bien différent de ce qu'elle pouvait imaginer.la nouvelle est aussi incluse dans le coffret Femmes en colèreElsa est une femme qui n'hésitera pas à traverser la moitié de la Terre pour retrouver son enfant, le fruit de sa chair né du ventre d'une autre. Elle est rageuse, déterminée, insubmersible presque, habitée de cette force qui n'est que le négatif de son manque immense. Une histoire d'actualité à l'heure où la société questionne les enjeux de la gestion pour autrui.
Une bouteille de coca, une vieille Peugeot 306 et son thermos de café, un caddie bourré de surgelés jusqu'à la gueule. Ne vous fiez pas aux apparences : ces objets inoffensifs masquent de terribles crimes. La famille c'est sacré : que ne ferait-on pas pour la défendre ? Dans ces quatre histoires drolatiques, les troubles affectifs se déguisent sous des délires consuméristes.