Dans l'acte même de Sa création Dieu perdit son infinité.
Ce divin faux pas inaugural, Antonin Artaud l'a affirmé pour avoir très jeune choisi l'esprit et s'y être tenu - quitte à en payer le prix par neuf années d'enfermement psychiatrique ininterrompu.
Il voulut en finir avec ce Dieu qui s'est oublié, ce Dieu mal engagé jusque dans l'actuelle sexualité de ses créatures ; il va au-devant d'un autre Dieu chez les indiens tarahumaras au Mexique, en Syrie (où il le trouve). Soulevé contre cette « unanime saleté qui d'un côté a le sexe et de l'autre, d'ailleurs, la messe », il exige de ses proches, hommes et femmes, de ne jamais s'adonner à l'acte sexuel - cet acte qui requiert du sujet érotique, de Dieu et de lui-même une irrémédiable perte d'esprit.
Lire Foucault procure souvent un indéniable agrément.
Cependant, à ce jour, peu se sont attardés sur les figures caractéristiques du style de Foucault, sur cette sorte de bercement phrastique qui le fait hésiter devant un mot, se lancer dans des énumérations, tripler ses verbes et ses adjectifs, bref : tenir son lecteur dans le fil de sa parole.
Cette approche stylistique prend appui sur deux études de Leo Spitzer, l'une relative à l'«effet de sourdine» chez Racine, l'autre traduite par Foucault lui-même en 1962 : «Art du langage et linguistique».
Le goût foucaldien pour un trois stylistique, aussi discret qu'insistant, serait-il le ressort de l'énoncé négatif qui vient clore Les Mots et les Choses sur l'incommensurabilité de l'« être de l'homme » et de l'« être du langage » ?
Toi qui lis ces lignes, tu ne sais pas encore quel objet tu as en main.
Une monographie clinique, certes, reprenant à nouveaux frais ce qui fut présenté par Jacques Lacan au titre de sa thèse de psychiatrie, et qui en propose une interprétation très différente. Elle s'imposait, de nombreux éléments nouveaux ayant été exhumés depuis sa publication en 1932.
Mais aussi un « sobre et strict tombeau » selon celui-là même - Didier Anzieu - dont, à l'époque, la vie fut l'enjeu majeur de la folie de Marguerite, sa mère.
Rien n'annonçait un tel accueil, bien au contraire, tant Anzieu avait pris position contre Lacan. J'en fus bouleversé.
Jean Allouch
Psychiatre fraîchement débarquée à Mayotte pour un remplacement, Patricia Janody découvre l'odeur caractéristique de l'ile : un mélange d'Ylang-ylang et de décharges de bidonvilles. Beauté des paysages et misère des populations, déchirées par des frontières arbitraires qui rendent brutalement obsolètes les modes d'inscription subjective traditionnels.
Elle y rencontre aussi une psychiatrie empêtrée dans une réalité linguistique, administrative et culturelle d'une complexité déroutante.
Au fil des ans, elle y reviendra pour de courts séjours, « préposée à l'accueil de ce qui fait retour » : le symptôme. Une femme endeuillée qui erre à travers champ, un homme couvert d'excréments dans un service de psychiatrie flambant neuf... Autant d'occasions d'exercer une pratique clinique attentive aux effets de langues, aux impératifs politiques et territoriaux, pour mieux démêler ce qu'un pouvoir tatillon voudrait soumettre à des grilles sémiologiques préétablies.
Chérir, plutôt qu'éradiquer la diversité des pratiques sexuelles, tel est le programme d'une théorie politique radicale de la sexualité selon Gayle Rubin.
Sa mise en oeuvre s'est heurtée à la volonté permanente d'imposer une bonne sexualité : hétérosexuelle, monogame, conjugale, gratuite, intragénérationnelle, génitale, à deux, procréative, sans sex toys ni usage de pornographie. Gayle Rubin, féministe et lesbienne militante, est ainsi devenue la cible de la droite états-unienne comme de pans entiers des mouvements féministes et lesbiens. Écrivant sous forme d'articles clairs et décisifs, elle a ouvert la voie au développement d'outils d'analyse spécifiques pour comprendre les oppressions matérielles et symboliques subies par les hors-la-loi du sexe et a contribué à la fondation de la théorie féministe, des études de genre et de la théorie queer.
Les réflexions de Michel Foucault sur l'éthique du sadomasochisme masculin se trouvent ici éclairées par celte qu'il appelle " notre amie Gayle Rubin ".
Libre de s'adresser à la liberté d'autrui, Jacques Lacan le fut, que ce soit dans son exercice de la psychanalyse, ses présentations de malades, son séminaire (la scène lacanienne). Ainsi rompit-il avec un prérequis qui maintenait la folie sous l'empire de la nécessité - ce qui devait l'opposer à Henri Ey et le rapprocher de Michel Foucault, pour qui la liberté est solidement impliquée dans la notion même de folie, appartient au domaine de son existence.
Si le soulèvement du fou, celui de l'enfant aussi bien se montrent intraitables, se soustraient à la maîtrise que l'on tente d'exercer sur eux, la raison n'en est-elle pas qu'il en va de leur liberté ? Autant en prendre acte.
Un analysant apporte en séance ce très court rêve : un H, en blanc sur un panneau à fond bleu. Ces précisions ouvrent l'interprétation : H chiffre « hôpital ». Il s'agit d'une translittération car, de cette image à ce mot, il y a toute la distance d'une écriture pictographique à une écriture alphabétique. Non sans provoquer un rire amusé, le sens suit : la veille, son psychanalyste était intervenu de façon intempestive et ce H, qui renvoie, par contiguïté, à l'injonction « silence ! », vient lui signifier qu'il a à tenir sa place... et rien de plus.
Avec sa réinscription ailleurs, l'être qui peut lire sa trace se fait « dépendant d'un Autre dont la structure ne dépend pas de lui ». Cette formule de Lacan situe la clinique analytique - une clinique de l'écrit - comme celle où se décline cette dépendance. Hormis Jacques Lacan, aucun psychanalyste n'a su reconnaître cette altérité littérale (non pas l'Autre de soi, mais l'Autre que soi) qui règle la vie de tout un chacun. Jean Allouch lui consacre ici même une postface inédite qui tout à la fois nuance et prolonge ce qui fut écrit en 1984. L'image y retrouve sa puissance d'image.
Avec « L'Instance de la lettre dans l'inconscient » (1957), Lacan relançait un concept de lettre qui, depuis Freud et L'Interprétation du rêve, passait pour central dans l'exercice et la théorie psychanalytiques. Jung lui-même, avec sa calligraphie du Livre rouge, y avait touché.
La lettre selon Lacan a longtemps entretenu des rapports ambigus avec le signifiant. Jusqu'à Lituraterre qui, en 1971, marque un tournant important. La voici désormais bord d'un trou, puis tresse, via le noeud borroméen (1972). Elle fera enfin le tissu qui enveloppe le lieu de l'Autre déserté par l'objet dans la seconde analytique du sexe. Ce que George-Henri Melenotte appelle ici la treille de l'absence.
Aucune affaire criminelle n'aura fait couler autant d'encre au XXe siècle que le parricide imputé à Violette Nozière. Monstrueuse jeune fille dévoyée pour les uns, victime expiatoire d'un père incestueux pour les autres : elle a déchaîné les passions, et risqué l'échafaud.
Guy Casadamont livre ici le dossier le plus complet et ordonné que l'on puisse souhaiter sur l'épopée Nozière. Des premiers rapports de police aux actes du procès, de la grâce présidentielle aux années de prison, de sa vie ultérieure d'épouse et de mère à sa postérité actuelle, l'ensemble des acteurs entre ici en scène.
Le récit minutieux des événements s'appuie sur les discours policier, judiciaire, littéraire, psychiatrique et psychanalytique qui auront contribué à faire de Violette une héroïne sans pareille.
"J'aurais cette prétention : écrire ici quelque chose à propos de mon frère, car c'est déjà, si peu que ce soit, ébrécher ce discours qui réduit chaque fou à son étiquette diagnostique et qui, sans vergogne, se démultiplie frénétiquement." Psychiatre, Patricia Janody est sollicitée par Hamidou et Hawa au sujet de leur frère enfermé dans la maison familiale, en Mauritanie. La sorte de journal qu'elle se met à tenir et le voyage qu'elle entreprend avec eux font entrer en résonance son expérience professionnelle et son histoire personnelle.
S'invente ici une écriture, qui mêle étroitement l'intime et la théorie, le proche et le lointain, la chronique et les notations cliniques, et qui interroge, ce faisant, le mythe de fondation de la psychiatrie.
Au moment où Michel Foucault distinguait les aphrodisia grecs de la chair chrétienne et de le "bonne sexualité" contemporaine, plusieurs spécialistes de l'Antiquité, aux Etats-Unis et en Europe, se réunissaient pour mettre au jour le vaste domaine d'érôs.
En anthropologues du passé, les auteurs de cet ouvrage explorent des domaines variés de la vie des femmes et des hommes grecs et tentent d'appréhender ce que pouvait être l'expérience érotique dans une société d'"avant la sexualité".
Rêver de sexe et prévoir l'avenir, soigner les corps, célébrer les divinités, observer les visages, parler à l'assemblée, rire ensemble au banquet ou découvrir les effets brûlants du désir... on est invité ici à la découverte d'une terre étrangère, avec les mots et les concepts d'une Grèce bien différente de celle que l'on croit connaître.
Avec les contributions de : Peter Brown, Anne Carson, Françoise Frontisi-Ducroux, Maud Gleason, David Halperin, Ann Ellis Hanson, François Lissarrague, Nicole Loraux, Maurice Olender, S.R.F. Price, James Redfield, Giulia Sissa, Jean-Pierre Vernant, John Winkler, Froma Zeitlin.
Ouvrage traduit de l'anglais sous la direction de Sandra Boehringer, avec Adeline Adam, Marie Augier, Sophie Bigot, Antoine Chabod, Isabelle Châtelet, Claire Jaqmin, Michèle Haller, Christine Hue-Arcé, Dominic Moreau, Nadine Picard, Pierre Zahnd.
Publié avec le soutien de l'Institut Émilie du Châtelet.
Attraper erôs dans le filet du logos, l'Occident n'a pas attendu la psychanalyse pour s'y employer. Entre les aphrodisia grecs et le dispositif de sexualité moderne, il ne restait plus à Foucault qu'à déposer une dernière pièce au puzzle de son Histoire de la sexualité : que s'est-il passé au temps de la concupiscence chrétienne et du péché de chair ? Comment le sexe en est-il venu à polariser le rapport de soi à soi ?
« Il m'a semble´, écrit Foucault, que la question qui devait servir de fil directeur était celle-ci : comment, pourquoi et sous quelle forme l'activité´ sexuelle a-t-elle été´ constituée comme domaine moral ? » À qui sont destinés les aveux ? De quoi libèrent-ils ? Quel sujet moderne l'expérience de la « chair » dans le christianisme a-t-elle contribué à construire ? Les Aveux de la chair jettent le trouble dans une « histoire de la sexualité » qui s'avère faussement linéaire et sollicite tout autant philosophes, historiens, spécialistes de la littérature et psychanalystes.
Aucun autre livre à ce jour n'a tissé de liens aussi convaincants entre Lacan et Augustin autour d'une question commune : celle de l'altérité.
Augustin n'a cessé de dénoncer, contre Pelage, une conception de la grâce qui fait la part trop belle à l'homme, et trop mince à Dieu. En explorant cette querelle oubliée, Sara Vassallo montre à quel point elle reste présente chez Lacan, qui prend appui sur Augustin pour mieux éclairer son Autre.
Dans son combat contre les Jésuites, Pascal avait déjà repris le flambeau anti-pélagien de la grâce nécessaire (un don de Dieu) contre la grâce suffisante (obtenue par les oeuvres).
Comme Pascal avec la casuistique jésuite, Lacan pouvait lire, dans la dérive psychologisante de la psychanalyse, le même souci pélagien de composer avec l'altérité.
« Passage à l'acte » est désormais d'un usage si courant que l'on ne sait plus trop de quoi il s'agit - si ce n'est un geste tout à la fois violent et réprouvé. Violent aux yeux de qui ? Réprouvé par qui ? On reprend ici le problème au plus près en envisageant plusieurs affaires dont le foyer incandescent est reconnu avoir été un passage à l'acte : le geste djihadiste, celui de Louis Althusser meurtrier d'Hélène Rytman et celui de Claire Lannes, héroïne de L'Amante anglaise, dont la figure fut conçue par Marguerite Duras en prenant ses marques dans un fait divers. Plus inattendue sans doute apparaîtra l'incidence du « passage à l'acte éclairé » au coeur même de l'expérience analytique, notamment en son commencement et sa fin.
Candidat à l'intégration sociale, l'homosexuel est devenu une figure du possible, un personnage res-pectueux et respectable, un citoyen normal. Lee Edelman fait bien plutôt valoir que, paria politique et social, emblème du gaspillage, de la non-productivité et du non-sens, l'homosexuel est né-cessairement et fatalement impossible.
En présentifiant ainsi et pour tous l'impossibilité comme telle, il subvertit le privilège jusque-là ré-servé à l'hétérosexualité de s'ignorer elle-même.
L'oeuvre d'Edelman a suscité la colère d'une droite homophobe tout autant que celle d'une gauche bien-pensante.
Aucun amateur de cuisine épicée ne se verra privé de liberté ou victime d'ostracisme pour avoir satisfait ses papilles gustatives.
En revanche, on peut être jeté en prison pour trop aimer les chaussures en cuir. De même, l'homosexualité, le sida, la pornographie, le transsexualisme, et aujourd'hui la pédophilie, donnent-ils lieu à ce que Gayle Rubin appelle une " panique sexuelle ". Chaque panique désigne une minorité sexuelle, généralement inoffensive, comme population-cible. Au terme du processus, celle-ci se trouve décimée, et la société tout entière, juridiquement et socialement, réorganisée.
Gayle Rubin a jeté les bases d'un champ autonome d'études sur le sexe où désir, jouissance et diversité érotique, pourraient trouver leur raison théorique et politique. Les trois textes publiés ici s'inscrivent dans une filiation politique (le féminisme, la nouvelle gauche, les luttes antiracistes, les luttes pour les droits civiques) et théorique (les sexologues, Freud, Lacan, Marx, Foucault, Derrida).
Les paradigmes ne valent rien sans l'enquête de terrain, et rien non plus s'ils ne s'actualisent en choix de stratégie et de tactique politiques. L'ensemble s'éclaire du partiel, le partiel de l'ensemble. Nous sommes loin ici du communautarisme béat qu'on prête parfois en France aux intellectuels américains. Qu'on lise les critiques acerbes de Judith Butler sur les replis identitaires : les lesbiennes n'ont rien d'autre en commun que leur expérience du sexisme et de l'homophobie.
Ou ses réserves sur le coming out : " La sexualité reste-t-elle sexualité quand elle est soumise à un critère de transparence et de révélation ? Une quelconque sexualité serait-elle possible sans cette opacité qui a pour nom inconscient ? " Gayle Rubin et Judith Butler soulignent constamment la nécessité de ne pas troquer une violence contre une autre, une démonologie religieuse contre une démonologie laïque, laissant ainsi sa chance à l'érotologie moderne.
Certains psychanalystes sont reconnus des maîtres dans leur domaine, d'autres sont des élèves. Ce lien entre eux, différent de la relation analytique, pousse déjà à lui seul la psychanalyse dans les bras de l'université. Il s'y transmet ce qui s'appelle un enseignement.
Plusieurs manières d'enseignement peuvent d'ailleurs être distinguées. Toutefois, dans le champ freudien est rendu manifeste plus franchement qu'ailleurs un rapport maître/élève qu'on reconnaîtra sexué.
Ainsi Jacques Lacan eut-il ce qu'il dénommait, en usant d'un possessif, « mes élèves ». Selon lui : des hérissons.
Schopenhauer avait fait état de la difficultueuse copulation des hérissons, bientôt suivi par Freud qui, s'en allant aux États-Unis, déclara qu'il allait y rencontrer des wildsporcupines - ceux-là mêmes qu'il souhaitait rallier à sa cause.
Cet ouvrage fait suite au livre La psychanalyse est-elle un exercice spirituel ? Réponse à Michel Foucault (Epel, 2007) du même auteur.
L'érotique ne se prête pas à être conçue de façon simplement unitaire. Plusieurs l'ont admis et, parmi eux, Platon, Lacan, Foucault, Rubin. On le vérifiera sur les deux premiers nommés. Quelle serait donc la raison d'une telle partition ? Sans préjuger d'autres réponses possibles, on présente ici celle que Lacan indiquait, non pas sous la forme d'un discours soutenu, mais par touches successives ici et là dispersées, après qu'a été reconnue l'inexistence du rapport sexuel.
Ainsi s'éclaire la question proprement psychanalytique (quoique d'allure philosophique) : pourquoi y a-t-il de l'excitation sexuelle plutôt que rien ?
Le Groupe de travail de psychothérapie et de sociothérapie institutionnelles (GTPSI) rassemble quelques acteurs majeurs de la psychiatrie, liés à l'hôpital de Saint-Alban et à la clinique de La Borde, hauts lieux de la psychothérapie institutionnelle. S'y retrouvent deux à trois fois par an, de 1960 à 1966, Jean Ayme, Hélène Chaigneau, Roger Gentis, Félix Guattari, Nicole Guillet, Josée Manenti, Ginette Michaud, Jean Oury, Gisela Pankow, Jean-Claude Polack, Claude Poncin, Yves Racine, Philippe Rappard, Jacques Schotte, Horace Torrubia, François Tosquelles et quelques autres - tous engagés dans la transformation du système asilaire.
Lieu d'une pensée collective aux prises avec l'inconscient et la psychose, le GTPSI se distingue d'une simple société savante par une remise en cause permanente de chacun de ses membres, par la volonté affichée "de ne pas s'en laisser passer une". A la recherche d'une cohérence théorique et clinique, ces praticiens ont choisi de récuser toute position du psychiatre qui tendrait à l'évitement de la folie.
En retraçant l'histoire de cette avant-garde et en donnant à lire l'essentiel des analyses et discussions qui l'ont constituée, ce livre met au jour un moment et des travaux inédits qui restent d'une importance majeure pour nourrir la réflexion psychiatrique contemporaine.
"Le psychanalyste, c'est la présence du sophiste à notre époque, mais avec un autre statut", dit Lacan en 1965.
Est-ce cela qui le poussa à consulter Barbara Cassin sur la doxographie ? Dans le fil de cette rencontre, les outils de L'helléniste servent à montrer les similitudes entre parole analytique et discours sophistique et selon quelles voies Jacques le Sophiste fait passer du "sens dans le non-sens" (lapsus et mots d'esprit) au "foncier non-sens de tout usage du sens". Aristote est ici interpellé par un Lacan, sophiste moderne, qui pointe la "connerie" du Stagyrite à l'endroit du principe de non-contradiction.
Comment parle-t-on, comment pense-t-on la manière dont on parle, quand on place avec Lacan l'énoncé "Il n'y a pas de rapport sexuel" en lieu et place du premier principe aristotélicien ?
Dans la foulée du séminaire " Sociologie des homosexualités " (1998-2004) dirigé par Françoise Gaspard et Didier Eribon, une nouvelle génération de chercheuses et chercheurs s'est engagée avec résolution sur la voie des études gays et lesbiennes.
Par son choix de l'homosexualité, elle confronte les sciences humaines et sociales à leurs impensés catégoriels et plaide pour " une autre dimension de connaissance " (Monique Wittig). Aux côtés de quelques-uns des meilleurs spécialistes français et étrangers, ces jeunes universitaires donnent l'occasion de découvrir des terrains aussi divers que fascinants : de l'amitié chrétienne médiévale au lesbianisme dans le mouvement des Femmes en noir en Israël, du cinéma militant des années soixante-dix au vécu des familles homoparentales, des catégories sexuelles antiques à la géographie commerciale parisienne, des comportements sexuels masculins dans le contexte du VIH aux modalités d'enregistrement du Pacs, etc.
Le cas en psychanalyse relève du traquenard logique.
Là où l'on pourrait croire que la séance analytique se prête à merveille au cas, elle ne cesse d'y objecter : elle invalide quiconque viendrait s'offrir comme témoin entre ses deux acteurs, et jusqu'à ce tiers que serait un but poursuivi en commun. Transfert oblige.
Cette situation d'exception a un double mérite sur le plan épistémologique : elle éclaire les conditions d'élaboration du cas dans les autres savoirs (droit, médecine, grammaire, micro-histoire, etc.), et elle rend compte de la consistance propre à l'acte analytique.
Pour avoir porté l'accent sur le signifiant, Lacan a-t-il du même pas fondé une nouvelle acception du signe ? On le saura en élucidant le concept d'"effet de sens", présent ici et là dans quelques séminaires, puis en le faisant jouer au travers d'espaces discursifs parfois fort éloignés de l'analyse. Cela, Freud l'a rendu possible, car l'association d'idées va bien au-delà de la relation thérapeutique où elle est censée s'exercer.
Guy Le Gaufey poursuit ici son exploration de cette question pour lui première : Freud et Lacan ont-ils en partage le même "objet" ?