La vraie vie des Français n'est pas dans les théories générales ou les moyennes statistiques. Les principaux mouvements sociaux des dernières années, des manifestations sur les retraites aux Gilets jaunes ou au phénomène #MeToo, n'ont guère été éclairés par l'étude des structures globales de la société. Les nouvelles géographies des fractures politiques et l'instauration d'un climat de défiance ont certes été bien documentées. Mais la nature des attentes, des colères et des peurs dont elles dérivent n'a pas encore été déchiffrée.
Cet essai propose des outils pour ouvrir et décrypter cette boîte noire. Il se fonde pour cela sur une analyse des épreuves auxquelles les Français se trouvent le plus communément confrontés au quotidien. C'est en partant notamment des expériences vécues du mépris, de l'injustice, des discriminations et de l'incertitude que l'on peut comprendre autrement la société. Les émotions qui les accompagnent expliquent en effet au premier chef les comportements des femmes et des hommes d'aujourd'hui : ceux-ci ne se déterminent dorénavant plus en fonction de leurs seuls intérêts « objectifs ». Une autre manière de réagir aux événements et de produire du commun se fait donc ainsi jour.
Cette approche permet d'appréhender de façon originale la désaffection contemporaine pour la politique existante et indique la direction d'un véritable projet d'émancipation. Les Épreuves de la vie ouvre de cette façon une nouvelle étape du travail de l'auteur consacré à la redéfinition de la question sociale et aux conditions de l'approfondissement de la vie démocratique.
Parce qu'un essai vaut autant par le constat dressé que par les renouvellements esquissés, le texte de Pierre Rosanvallon est discuté et prolongé par quatre « rebonds et explorations » d'Aurélie Adler, Nicolas Duvoux, Emmanuel Fureix et Gloria Origgi, dans une démarche d'intelligence collective.
Ouvrage coédité avec La République des idées.
On ne gouverne pas impunément par l'état d'urgence.
Entre les attentats du 13 novembre 2015 et l'automne 2021, la France a vécu plus de la moitié du temps sous état d'urgence terroriste ou sanitaire. Ce régime, conçu au départ comme un dispositif juridique temporaire, accordant des pouvoirs exceptionnels aux autorités publiques pour faire face à des risques inédits, tend à devenir un état permanent, en France mais aussi dans de nombreux autres pays. Les crises de demain, au premier rang desquelles la crise climatique, appelleront-elles, elles aussi, leur état d'urgence ?
La banalisation de l'exception pervertit l'État de droit et fait peser un coût extrêmement élevé sur les conditions même de possibilité de la vie démocratique. L'ambition de cet essai est d'offrir une critique approfondie des effets politiques et institutionnels qu'engendre la récurrence de ces régimes juridiques si particuliers, auxquels les gouvernements paraissent s'accoutumer sans toujours en percevoir les implications sur les droits et les libertés.
L'état d'urgence n'est pas une simple parenthèse : le risque est qu'il devienne la nouvelle condition politique et juridique des sociétés confrontées à des menaces planétaires et systémiques. Endiguer ses effets relève d'une urgence démocratique.
Parce qu'un essai vaut autant par le constat dressé que par les renouvellements esquissés, le texte de Stéphanie Hennette Vauchez est prolongé par trois « rebonds et explorations » qui en discutent les implications et les perspectives : une conversation avec Fionnuala Ní Aoláin et deux textes inédits de Mireille Delmas-Marty et Thibaud Lanfranchi.