Sciences humaines & sociales
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Les clés retrouvées ; une enfance juive à Constantine
Benjamin Stora
- Stock
- Un Ordre D'idees
- 18 Mars 2015
- 9782234074736
Lorsque la mère de Benjamin Stora est décédée en 2000, il a découvert, au fond du tiroir de sa table de nuit, les clés de leur appartement de Constantine, quitté en 1962. Ces clés retrouvées ouvrent aussi les portes de la mémoire.
La guerre est un bruit de fond qui s'amplifie soudain. Quand, en août 1955, des soldats installent une mitrailleuse dans la chambre du petit Stora pour tirer sur des Algériens qui s'enfuient en contrebas, il a quatre ans et demi et ne comprend pas. Quelques années plus tard, quand ses parents parlent à voix basse, il entend les craintes et l'idée du départ. Mais ses souvenirs sont aussi joyeux, visuels, colorés, sensuels. Il raconte la douceur du hammam au milieu des femmes, les départs à la plage en été, le cinéma du quartier où passaient les westerns américains, la saveur des plats et le bonheur des fêtes.
Ces scènes, ces images révèlent les relations entre les différentes communautés, à la fois proches et séparées. Entre l'arabe quotidien de la mère et le français du père, la blonde institutrice de l'école publique et les rabbins de l'école talmudique, la clameur des rues juives et l'attirante modernité du quartier européen, une histoire se lit dans l'épaisseur du vécu.
Benjamin Stora a écrit là son livre le plus intime. À travers le regard d'un enfant devenu historien, il restitue avec émotion un monde perdu, celui des juifs d'Algérie, fous de la République et épris d'Orient. -
Les troix exils ; juifs d'algérie
Benjamin Stora
- Stock
- Un Ordre D'idees
- 13 Septembre 2006
- 9782234058637
L'idée de ce livre est née un matin de novembre 2004, quand Benjamin Stora, accompagné de son fils, s'est rendu pour la première fois à Khenchela, petite ville de l'est algérien d'où vient sa famille paternelle. Voyageant entre mémoire et histoire, quête personnelle et enquête historique, sources privées et archives inexplorées, il reconstitue les trois exils qui ont marqué le destin des Juifs d'Algérie. En moins d'un siècle en effet, ils sont sortis par trois fois de ce qui était jusque-là leur univers familier. Il se sont éloignés de la vie juive en terre d'islam quand le décret Crémieux de 1870, faisant d'eux des citoyens français, les a mis sur la voie de l'assimilation. Ils ont été rejetés hors de la communauté française de 1940 à 1943 avec les lois de Vichy. Et ils ont quitté les rives algériennes avec l'exode de 1962. A travers cet essai historique sensible et rigoureux, enrichi de documents inédits, on découvre l'originalité de ce judaïsme algérien à la fois passionnément attaché à la République française et profondément pétri de traditions religieuses, mais aussi la complexité et les ambiguïtés des relations entre Juifs et Musulmans.
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« Nous pensons toujours ailleurs » : éloge du déplacement, du décalage et du décentrage, cette phrase de Montaigne devient, sous la plume de Nicole Lapierre, le fil d'Ariane d'un voyage intellectuel sans pareil, dans le dédale des idées et des mondes, des époques et des lieux. Son enquête nous entraîne sur les pas de tous ces intellectuels déplacés qui s'en sont allés, justement, penser ailleurs, sortant des sentiers battus, refusant de rester à leur place, passant les bornes, franchissant les frontières, enjambant les barrières sociales, sans y être invités ni conviés. Arpentant un terrain d'aventure où se mettent en jeu et en péril des identités résolument vagues et mêlées, qui refusent classements, confinements et cloisonnements, elle nous fait découvrir une infinie galerie de portraits, de Georg Simmel à Edward Said, de Walter Benjamin à Paul Gilroy, en passant par Devereux, Deleuze et tant d'autres, un musée imaginaire où les idées prennent chair et vie. Éloge de l'entre-deux - un peu dedans, un peu dehors, déjà plus, pas encore -, cet essai amoureux, vagabondage passionnant et passionné, est aussi un livre-manifeste. Par leur vie, leur itinéraire et leurs travaux, les personnages élus par Nicole Lapierre sont autant de figures de l'intellectuel comme étranger, dont l'expérience décalée aiguise les interrogations et stimule la pensée. L'intellectuel critique est toujours une personne déplacée, parfois au sens propre, en raison de son histoire personnelle ou de contingences historiques, mais nécessairement au sens figuré. Le lecteur le découvrira en cheminant avec l'auteur, partageant sa réflexion itinérante, aux frontières des disciplines et aux confins des territoires : il est, heureusement, bien des manières d'être étranger.
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2002, le millénaire commence dans l'incertitude et la peur, entre univers planétaire et replis identitaires. En ces temps de globalisation économique et de désarroi idéologique, on oublie un peu vite que la découverte du monde, la circulation de la marchandise et la multiplication des échanges ne datent pas d'aujourd'hui. Et l'on confond volontiers mondialisation et uniformisation.
Comme s'il y avait d'un côté le Moloch de la World Culture écrasant la diversité des peuples et de l'autre la résistance vaillante des identités closes. Contre cette vision simpliste, dangereuse et oublieuse, Edwy Plenel rappelle que la rencontre des hommes et des cultures, souvent inégale, voire brutale, est aussi un moment d'ouverture et une source d'invention.
1492, aube des temps modernes et début de l'ère planétaire ; Christophe Colomb voguait vers les Amériques. 1992, aube de l'Europe du marché unique, dans le grand remue-ménage du marché mondial ; à l'occasion du cinquième centenaire de la découverte, Edwy Plenel est parti sur les traces du Grand Amiral de la mer océane.
De l'Europe aux côtes africaines, des Caraïbes à l'Amérique centrale, des ruelles de Gênes à la côte des Moustiques, il a visité toutes les terres croisées par le navigateur durant sa vie aventureuse. Une chronique hybride à l'instar de son héros, européen avant l'heure, homme de transition entre Moyen Âge et Renaissance, découvreur de paradis et convoyeur d'esclaves, fervent catholique mais peut-être juif, homme de paix et fauteur de guerres. -
798, ces trois chiffres désignent aujourd'hui le lieu le plus fameux de l'art contemporain à Pékin. De grandes galeries internationales y sont installées, exposant des artistes chinois très côtés et suscitant la curiosité d'une foule de visiteurs, nationaux et étrangers. Mais le 798 est aussi le nom d'une gigantesque usine d'armement construite dans les années 1950 par des architectes est-allemands issus de l'école du Bauhaus. Une usine modèle, avec ses équipements sportifs, son théâtre, sa crèche et ses logements, pour des ouvriers d'élite. Après son déclin, à la fin du xxe siècle, des artistes d'avant-garde séduits par son esthétique et le faible coût des loyers l'avaient investie, réalisant des installations et des performances souvent provocantes, sous les yeux ébahis des derniers ouvriers et le regard méfiant des autorités. Depuis, le lieu s'est officialisé, devenant une vitrine de la « marque Chine ». De l'emblème du Grand bond en avant à celui du grand saut dans le marché, en passant par l'obsédante mémoire souterraine des années Mao qui ressurgit dans l'art, Marc Abélès scrute avec une finesse attentive les métamorphoses du lieu et de ses occupants. Il nous livre ainsi une réflexion originale sur les rapports de l'art, de la politique et du marché, dans la Chine à l'ère de la globalisation.
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L'Occident décroché ; enquête sur les post-colonialisme
Jean-Loup Amselle
- Stock
- Un Ordre D'idees
- 23 Janvier 2008
- 9782234060425
De la critique postcoloniale, on retient surtout la remise en cause de l'universalité de la raison occidentale et celle de la prétention européenne à exporter les Lumières, la démocratie et les droits de l'Homme. Pour Jean-Loup Amselle, cette opposition entre l'Ouest et le reste est simplificatrice : elle ignore les connections et les interférences réciproques, ne prend pas en compte des philosophies ou des pensées concurrentes de la pensée occidentale élaborées en Europe et, enfin, méconnaît les réflexions et les controverses venues Afrique, d'Asie et d'Amérique du Centre ou du Sud.
Pour y voir clair, il a donc entrepris une vaste enquête à travers continents et théories, auteurs et institutions. Du renouveau d'une certaine pensée juive dans le sillage de Benny Lévy à l'indigénisation du mouvement zapatiste, en passant par la défense des savoirs endogènes africains ou l'affirmation d'une temporalité indienne spécifique, il analyse les divers « décrochages » par rapport à l'Occident et les dangers que ceux-ci recèlent quand ils mettent en avant les principes essentialistes de cultures et de races. Chemin faisant, il revient aussi sur la figure tutélaire de Gramsci pour montrer combien l'hommage rituel dont celui-ci fait l'objet dans les études postcoloniales repose sur un usage infidèle de sa pensée.
Ce vaste parcours, solidement documenté et argumenté, nous ramène finalement dans la France d'aujourd'hui où le postcolonialisme arrive tardivement, au moment où la crise des deux modèles d'intelligibilité de la société, celui de la lutte des classes et celui de la République, favorise l'ethnicisation des rapports sociaux. -
Causes communes ; des juifs et des noirs
Nicole Lapierre
- Stock
- Un Ordre D'idees
- 12 Octobre 2011
- 9782234060432
CAUSES COMMUNES Nicole Lapierre Octobre 2011, 336 pages « L'empathie va à l'encontre de la vieille et détestable recette des pouvoirs incertains consistant à stigmatiser des populations ou à les dresser les unes contre les autres, pour faire diversion ou servir d'exutoire. Noirs contre Juifs, chrétiens contre musulmans, gens d'ici contre gens du voyage, ou d'autres encore, peu importe les protagonistes, dans ce dangereux jeu de dupes. Loin de la sympathie compassionnelle envers les victimes et des mobilisations humanitaires tenant lieu de politique, qui reproduisent des relations inégalitaires, l'empathie encourage au contraire les solidarités fondées sur le respect et la réciprocité. Celles auxquelles invitait Frantz Fanon, à la fin de Peau noire, masques blancs : "Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l'autre, de sentir l'autre, de me révéler l'autre ? Ma liberté ne m'est-elle pas donnée pour édifier le monde du Toi ?"» Vigoureux éloge de l'empathie, Causes communes prend le parti des convergences plutôt que des concurrences, des solidarités plutôt que des rivalités. Retraçant avec mille histoires inédites les relations nouées par des Juifs et des Noirs autour d'idéaux de liberté et de dignité durant le xxe siècle, Nicole Lapierre nous emmène dans un vaste voyage, de New York à Varsovie, du Mississipi à l'Ouzbékistan, de la Lituanie à l'Afrique du Sud, de Harlem à Paris, en passant par les Antilles. Nourri par l'enquête, son propos prend résolument le contre-pied de cette triste dérive appelée « concurrence des victimes » qui renvoie dos à dos deux communautés de souffrance. Les tensions qui parfois les opposent nous concernent tous : elles résultent d'abord du niveau de la reconnaissance accordée à l'histoire des opprimés ou des persécutés. Quels qu'ils soient. Juifs ou Noirs.
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Il y a des mots voyageurs extraordinairement révélateurs, c'est le cas du paria. On le croit originaire d'Inde, il y est arrivé au XVIe siècle dans le vocabulaire des militaires, des missionnaires et des savants pour désigner indistinctement castes inférieures et hors castes. Il en revient deux siècles plus tard et se répand largement dans les espaces politiques et littéraires européens. Pour les philosophes des Lumières, les hiérarchies lointaines offrent un détour opportun pour fustiger les tyrannies d'ici. Le discours sur l'autre est un discours sur soi de cet Occident qui, dans un même mouvement, s'émancipe et se distingue. Mais l'émancipation ne valant pas également pour tous, le paria ressurgit comme le laissé pour compte des droits humains récemment proclamés au moment où l'on débat de l'esclavage, du sort des « hommes de couleur libres », du statut des Juifs ou de celui des femmes. Dans les discours et combats politiques, il représente tour à tour les femmes, le peuple, les prolétaires... Théâtre et littérature en propagent la représentation, il prend aussi les traits du poète ou de l'artiste maudit dont la marginalité est idéalisée. La culture romantique exalte sa sensibilité, le paria est ainsi grandi d'être proscrit, sans être libéré pour autant.
Avec érudition et brio, passant de la littérature aux discours politiques et aux constructions théoriques (chez Max Weber, Georg Simmel ou Hannah Arendt notamment), Eleni Varikas retrace ces métamorphoses et suit ces figures qui, d'hier à aujourd'hui, disent les meurtrissures de tous les « rebuts du monde ». Chemin faisant, elle rappelle l'exigence toujours actuelle de ces parias rebelles qui se sont obstinés à réclamer l'admission au rang de l'humanité de chaque individu particulier. -
Leur jeunesse et la nôtre ; l'espérance révolutionnaire au fil des générations
Jean Birnbaum
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- Un Ordre D'idees
- 28 Septembre 2005
- 9782234058071
Voici une expérience singulière : à quatorze ans, vouloir changer le monde. À quatorze ans, se mouiller pour ses idées, monter à l'assaut du ciel, endurer l'angoisse du militant. À entendre certains « soixante-huitards » revenus de tout, et qui prétendent avoir été les ultimes représentants de la jeunesse révolutionnaire, cette expérience serait désormais impensable : « Après nous, le désert politique », affirment-ils... À mille lieux de cette nostalgie stérile, Jean Birnbaum a voulu savoir comment l'espérance révolutionnaire se transmet entre les générations. Et si cette « enquête en filiation » est menée au miroir du mouvement trotskiste, c'est que ce courant singulier a maintenu vivante, tout au long du XXe siècle, une tradition minoritaire mais opiniâtre d'émancipation. En France plus qu'ailleurs, les traits spécifiques de cette tradition (l'écoute des aînés, la passion des textes...) en ont fait l'une des plus grandes écoles politiques et intellectuelles. Entre la génération des années 1930, isolée, pourchassée, affrontant à la fois le stalinisme et le fascisme, et celle des années 1960, solidaire des peuples colonisés, la continuité fut tant bien que mal assurée. De cette mémoire fraternelle, entre révolte et mélancolie, que reste-t-il maintenant ? Des jeunesses de jadis et d'hier à celles d'aujourd'hui, inventant, avec l'« altermondialisme », de nouvelles radicalités sans frontières, quelles sont les filiations ? À partir d'entretiens approfondis avec des militants, actuels ou anciens, célèbres ou inconnus, Jean Birnbaum restitue avec force des figures et des destins hors du commun, mais repère aussi la trace des déceptions et des déchirures intimes : sur la question juive, par exemple, ou encore sur les dérives sectaires. Au fil de ce parcours critique et au coeur de ces propos, n'en vibre pas moins l'exigence qui anime toute « génération » digne de ce nom : celle d'une justice à venir, par-delà le monde présent.
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Guerre d'indépendance, conflits de mémoire et séquelles postcoloniales, guerre civile algérienne, luttes intestines... des deux côtés de la Méditerranée les effets des combats n'en finissent pas, comme les répliques des tremblements de terre. Les rapports entre l'Algérie et la France sont ensanglantés, passionnés, obsédants, durablement marqués par une conflictuelle proximité.
À distance des passions partisanes, froide par méthode, l'histoire de ces relations tourmentées s'écrit néanmoins à chaud et l'exercice est parfois périlleux. Un jour de juin 1995, Benjamin Stora reçoit des menaces et un petit cercueil en bois dans une grande enveloppe beige...
Entre étude historique et témoignage personnel, ce livre singulier, jalonné par des rencontres avec quelques personnages clés, associe une réflexion sur l'écriture de l'histoire et l'engagement de l'historien à une analyse profondément originale des rapports entre la France et l'Algérie. -
L'identité de la gauche, son avenir ou sa fin annoncée font l'objet de pronostics politiques et médiatiques. Ce livre clair et documenté offre une indispensable réflexion sur le sujet.
C'est d'abord en historien qu'André Burguière analyse les fondements de la gauche, mais aussi en intellectuel engagé dans la cité. Son objectif n'est pas d'en départager les différentes tendances, mais de dégager leur socle commun. Il montre que le partage idéologique, hérité directement de la Révolution française et indirectement d'une longue histoire de la démocratie, continue à structurer nos représentations politiques. Mais il constate combien la « passion noble » de l'égalité a cédé du terrain.
Sur le long cours, l'évolution du système représentatif, le pouvoir des élus et leur professionnalisation ont disqualifié la parole des citoyens. Étatisme, constitution monarchique, faiblesse du syndicalisme, les maux, nombreux, se sont accumulés. Sans compter, récemment, la façon dont le gouvernement socialiste a cédé aux pressions du libéralisme économique et des politiques sécuritaires.
Inquiet, mais non résigné, André Burguière jalonne ses analyses de propositions. Rendre la société plus juste, plus protectrice et plus démocratique, tel est, rappelle-t-il, le véritable projet de la gauche. À lire d'urgence ! -
Les héritiers du silence ; enfants d'appelés en Algérie
Florence Dosse
- Stock
- Un Ordre D'idees
- 25 Janvier 2012
- 9782234071643
Il y a eu plus d'un million d'appelés en Algérie, mobilisés pour ce qui, alors, n'était pas reconnu comme une guerre. Pour beaucoup d'entre eux, l'expérience marquante, voire traumatisante, de ce conflit sans nom et sans gloire est restée enfouie dans le silence. Elle n'avait pas de place dans l'histoire officielle et suscitait plus de gêne que de curiosité. Leurs proches eux-mêmes posaient peu de questions. Au fond, personne ne souhaitait vraiment entendre leur récit et ils ont préféré se taire, durablement.
À la génération suivante et dans un contexte différent, alors que l'histoire et la mémoire de la guerre d'Algérie commencent à s'écrire, certains de leurs enfants se découvrent héritiers de ce silence. C'est le cas de Florence Dosse. Entre quête personnelle et enquête, elle a interviewé à la fois d'anciens appelés, les épouses de ces derniers et leurs enfants, aujourd'hui adultes, à qui rien ou presque n'a été transmis. On découvre le « vécu congelé » des premiers, raconté avec les mots du passé, le désarroi des femmes, les non-dits dans les couples et le mélange d'ignorance, d'interdit, de douleur ou de honte confusément ressenti par les enfants. L'originalité profonde de ce livre tient à la juxtaposition de ces trois paroles et à l'écoute attentive de Florence Dosse. -
Chaque année, le jour de l'Ascension, plusieurs dizaines de milliers de pieds noirs de confession chrétienne, mais aussi musulmane et juive, se retrouvent pour un pèlerinage au sanctuaire de Notre Dame de Santa Cruz à Nîmes. Cette population hétérogène, venue de diverses régions de France, retrouve là, dans l'effervescence d'une manifestation éphémère, une sociabilité et une identité perdues.
Jeune ethnologue et fille de Français d'Algérie, Michèle Baussant a fréquenté et étudié ce curieux « lieu de mémoire », appelé par certains « Oranîmes » car il transpose sur le sol français l'ancien grand pèlerinage à la Vierge d'Oran. Partant de là, elle remonte le cours d'une mémoire occultée, enfermée dans la nostalgie, liée au passé honteux de l'entreprise coloniale et marquée par l'exil. En fait, un double exil : le premier a conduit d'Europe en Algérie une population très diverse de pauvres et de proscrits que l'administration coloniale et l'église contribuèrent à unifier, le second, en 1962, a ramené en Métropole, les descendants des premiers, perdants malmenés par l'histoire comme leurs aînés.
Sur un sujet toujours sensible, soumis aux passions politiques et peu étudié, Michèle Baussant a su tirer parti de la familiarité, voire de l'intimité avec ses interlocuteurs tout en gardant un « regard éloigné ». Sans complaisance ni jugements a priori, elle a su trouver cette bonne distance qui permet à la fois la compréhension et l'explication. -
Nous vivons dans un monde obsédé par le passé. Les discours de la mémoire forment aujourd?hui une immense cacophonie, pleine de bruit, de fureur, de clameurs et de controverses. Où que l?on se tourne, un passé commémoré ou haï, célébré ou occulté, raconté, transformé, voire inventé, est saisi dans les mailles du présent.
Des méandres de la légende de l?Ouest américain à l?effacement des traces dans les pays de l?Est après la chute du mur ; de l?obsession des origines à la disparition des anonymes ; de réécritures de l?histoire en communautés imaginaires remontant à la nuit des temps comme dans certains discours qui se tiennent en Israël et ailleurs ; du grand nivellement qui renvoie parfois dos à dos la Résistance et Mussolini en Italie ou Franco et les Républicains en Espagne aux trous de mémoire persistants de la France coloniale, de l?évanescence du virtuel à la passion de l?archivage et de la conservation, partout on taille sur mesure dans le souvenir et l?amnésie. -
Faire ses courses est une activité dont la banalité est trompeuse. Indispensables, car dans nos sociétés il faut s'approvisionner pour se nourrir, généralement étudiées sous le seul angle de la consommation, les courses alimentaires en disent long sur nos modes de vie, nos hiérarchies sociales, nos relations familiales et conjugales ou encore nos conceptions morales du bon, du sain, du raisonnable.
Entre loisirs et corvées, espace public marchand et sphère domestique privée, elles imposent leur régularité, leurs rythmes, celui des saisons comme celui des promotions, et leurs itinéraires balisés. Des linéaires de grande surface au marché dominical en passant par le dépannage de la supérette, Martyne Perrot analyse finement les manières de faire, la distribution des rôles entre hommes et femmes, le comportement avec les enfants, les registres imposés par les habitudes culturelles ou les nécessités économiques.
Mêlant avec talent des témoignages vivants et une ample documentation, elle montre à quel point, sous la massification des consommations alimentaires, nos achats nous révèlent et nous distinguent. Et l'on découvre combien le fameux « panier de la ménagère », régulièrement soupesé par les économistes experts, contient aussi son poids d'amour, de souci, de menus plaisirs ou de frustrations. -
Benedetto, roi d'Italie ; chroniques d'un pays à l'ombre du Vatican
Martine Nouaille
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- Un Ordre D'idees
- 9 Mars 2011
- 9782234065147
BENEDETTO, ROI D'ITALIE: Chroniques d'un pays à l'ombre du Vatican Martine Nouaille Mars 2011, 240 pagesPendant quatre ans, de février 2005 à mai 2009, Martine Nouaille a suivi à la fois la politique italienne et l'activité du Vatican. Elle a pu observer de près les liens entre le pouvoir de Benoît XVI et celui de Silvio Berlusconi, la proximité entre les puissances de l'autel et celles de l'argent.
Elle raconte les coulisses et le « règne » pontifical : la mise en scène soigneusement réglée des audiences hebdomadaires, les visites de chefs d'État étrangers, les voyages en province dans des décors à la Potemkine, les réseaux politiques, les secrets d'argent, les intrigues et les conflits violents avec une partie de la société sur les questions de moeurs ou de bioéthique. Elle montre comment le pape a relancé l'affaire Galilée quatre siècles après la condamnation de ce dernier, suscitant l'ire des scientifiques italiens, et révèle ce qu'il en coûte encore de contester l'autorité de l'Église.
On découvre ainsi, avec surprise et parfois effroi, les effets conjoints d'une démocratie en crise et d'une théocratie qui considère l'Italie, selon l'expression consacrée, comme « le jardin du pape ». Histoire strictement transalpine ? Évidemment pas. L'écriture élégante et la verve caustique de ces nouvelles chroniques italiennes nous renvoient aussi à notre pays et à l'instrumentalisation de la religion sur fond de faiblesse démocratique. -
Tout être humain a ses démons. Ce sont des entités spirituelles qui nous sont à la fois inférieures et supérieures, auxquelles nous obéissons sans le savoir. D'où viennent-ils ? Pourquoi sont-ils si puissants en nous ? Que font-ils de nous et que faisons-nous d'eux ? Peuvent-ils se modifier, voire se transformer par l'expérience de la vie ? J'ai voulu reconnaître les démons qui ont occupé et animé mon esprit, et m'ont différencié sans que j'aie cherché à me singulariser. À chaque fois, j'ai voulu remonter à leur origine, voir comment ils se sont formés, m'ont formé, se sont transformés et m'ont transformé. À la fin de ce livre, j'essaie de reconnaître à quelles erreurs mes démons m'ont conduit, à quelles vérités je demeure fidèle et, désormais capable de dialoguer avec eux, je les assume de façon consciente.À la fois confession et credo, Mes démons est inclassable. Ce livre d'écrivain, d'historien, de penseur s'efforce de reporter sur son auteur lui-même, ses expériences et son cheminement, la pensée complexe dont il a été l'initiateur.
On y retrouve le regard du sociologue soucieux des événements présents, celui de l'anthropologue attentif au mythe et à l'imaginaire, et enfin l'auteur de La Méthode, pour qui la complexité est devenue le défi que doit affronter l'esprit humain. . -
Voyages en postcolonies : Viêt Nam, Algérie, Maroc
Benjamin Stora
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- Un Ordre D'idees
- 3 Octobre 2012
- 9782234063105
Fidèle à une approche hybride, dans laquelle l'expérience personnelle et les observations enrichissent l'analyse historique, Benjamin Stora revient ici sur les séjours qu'il fit, de 1995 à 2002, successivement au Viêt Nam, en Algérie et au Maroc. Trois longs voyages dans ces pays devenus indépendants qui ont connu, chacun à sa manière, le système colonial français. Il raconte le silence le soir sur Hanoï comme un renvoi lointain au couvre-feu, les ùtraces de guerre dans les paysages et les ombres diffuses laissées par le passé. Il décrit l'Algérie de 1998, émergeant des horreurs de la guerre civile, les traumatismes, les oublis et la nouvelle génération qui s'ébroue. Il dépeint le Maroc au début du règne de Mohammed VI, un pays saturé d'histoire, qui bouge lentement et où une jeunesse, en mal d'avenir, regarde ailleurs.
Passant de l'analyse comparative au diagnostic politique, de la rencontre avec quelques personnages clés à l'étude des images et des films, l'histoire écrite par Benjamin Stora est tout à la fois intellectuelle, sensible et visuelle. C'est une histoire vive qui puise à de multiples sources et éclaire, aussi, ce qui se passe dans notre propre pays. Un quatrième voyage, d'ailleurs, ramène l'historien en France où il constate, et regrette, que la question postcoloniale soit si largement ignorée. Ni le passé colonial, ni celui des minorités ne sont en effet intégrés dans le récit national républicain. Quant à la mémoire franco-algérienne, 50 ans après l'indépendance, elle demeure conflictuelle. -
Le 89 Arabe: Dialogue avec Edwy PlenelLa révolution démocratique et sociale qui surgit aujourd'hui dans le monde arabe et, plus largement, dans le monde musulman, est à la fois une bonne nouvelle et un événement historique et international majeur. Ce « 89 » arabe, qui évoque tout autant le 1989 européen de la chute du mur de Berlin que le 1789 de la Révolution française, ébranle en profondeur les sociétés et touche également les pays européens. L'analyser, l'expliquer, en évaluer la portée, est la raison d'être de ce dialogue entre un journaliste, Edwy Plenel, et un historien, Benjamin Stora. La confrontation entre les interrogations du présent, dont témoigne le premier, et la connaissance du passé, que détient le second, est particulièrement éclairante. Elle permet de saisir à la fois ce qu'il y a d'imprévisible, d'inventif, d'inédit dans le soulèvement des peuples et les faits oubliés ou les expériences meurtries dont il est pétri.
Au-delà de leurs métiers et intérêts respectifs, une longue complicité amicale et intellectuelle rapproche les auteurs et anime leur conversation. Elle est liée à des parcours sinon communs, du moins voisins. Benjamin Stora est né en Algérie, qu'il a dû quitter en 1962, tandis que Edwy Plenel y a vécu après l'indépendance. Tous deux ont placé la question coloniale, l'actualité de son passé et la critique de ses héritages au coeur d'engagements de jeunesse qu'ils ne renient pas et qui ont en partie faits ce qu'ils sont devenus. Tous deux sont concernés, informés et leur souci de comprendre est aussi l'expression d'une vive empathie envers ces révolutions porteuses d'espérance. -
« L'enracinement, l'appartenance à un territoire étaient, en fait, des notions qui m'étaient étrangères. Je ne me sentais ni d'un lieu, ni d'un autre. Je vivais, mais pas encore en pleine acceptation, un sentiment d'extraterritorialité. Le goût de faire renaître, par l'évocation, un monde qui n'était plus, me conduisit à ce véritable lieu de mes origines familiales, cette Atlantide engloutie. » Dans un émouvant périple entre histoire et mémoire, Florence Heymann a retrouvé des archives inédites et recueilli de nombreux témoignages sur la vie juive à Czernowitz, avant la destruction. Cette ville de Bucovine, en Roumanie, faisait partie de ces terres des confins longtemps disputées par les pays voisins, où la diversité des langues et des populations était à la fois source de conflit et ferment de culture. De l'extraordinaire opulence du train de vie des grands rabbis à la promiscuité des quartiers misérables, de la tradition la plus stricte à la modernité la plus éclairée, des mots du quotidien à la langue des poètes, c'est une ville-monde engloutie qui s'anime et s'incarne ici, à travers une galerie de personnages aussi attachants que divers. Et lorsque Florence Heymann quitte cette Czernowitz d'hier pour visiter celle d'aujourd'hui, en quête de traces, c'est finalement surtout à un voyage intérieur qu'elle nous convie.
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On a souvent dit que l'expérience concentrationnaire était indicible. Et pourtant de nombreux textes, oeuvres ou fi lms s'eff orcent d'en témoigner de diverses manières. À partir d'un vaste corpus littéraire et cinématographique,
Philippe Mesnard étudie les formes d'expression mobilisées par les témoins, écrivains et artistes. Il distingue ainsi quatre confi gurations testimoniales : l'écriture réaliste supposée transparente (chez Vassili Grossman, David
Rousset et d'autres), l'écriture « transcendante », qui transpose la réalité sur une scène symbolique (comme dans Le dernier des Justes d'André Schwartz-Bart ou La vie est belle de Roberto Benigni), la « confi guration critique » ménageant la place du vide et de la perte (par exemple chez Imre Kertész, Robert Antelme ou Claude Lanzmann) ou encore l'écriture « phatique », émotionnelle, bousculant le langage pour dire la violence. Toutes ces écritures convoquent la culture contre ce qui, en détruisant l'homme, la détruisait aussi. Telle est, entre distance et proximité, la résistance polyphonique du témoignage dont Philippe Mesnard donne ici une analyse originale, ample et synthétique qui fera référence.
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La dernière génération d'octobre
Benjamin Stora
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- Un Ordre D'idees
- 24 Septembre 2003
- 9782234056206
« Un passé peut en cacher un autre. On sait, et cela éclaire en partie mon parcours d'historien, que je suis né dans une famille juive d'Algérie. Sans nul doute, la blessure de l'exil, l'attachement à mon enfance, le traumatisme de la guerre vécue entre 1955 et 1962 ont-ils favorisé cette longue recherche sur l'histoire algérienne, commencée dans les années 1970. Mais il est une autre origine qui éclaire ce parcours, celle de mon engagement politique. Rares sont ceux qui savent à quel point le militantisme a occupé une vie antérieure, et ce texte va surprendre. » Benjamin Stora est beaucoup plus connu en effet pour ses nombreux travaux sur l'Algérie et le Maghreb que pour son itinéraire de militant trotskiste à l'OCI. Dans ce livre personnel, attachant et rigoureux, où il tient à la fois le rôle du témoin et celui de l'historien, il rompt un long silence. Révélant des faits ignorés, il brosse quelques portraits surprenants et restitue, sans illusions ni reniement, ce mélange de passion politique et d'aveuglement dogmatique, de générosité et d'intolérance, de dévouement et de violence qui a caractérisé cette aventure collective. Celle de militants fascinés par le passé, celui d'octobre 1917 en particulier, qui cherchaient leur avenir entre réforme et révolution.
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Il faut avoir la passion des jouets, aimer leur histoire, leur diversité et leur frivolité, pour les prendre au sérieux comme le fait Gilles Brougère.
Pour cet universitaire aussi rigoureux que facétieux, le monde des jouets, qui occupe une place grandissante dans la culture d'aujourd'hui, n'a pas de secrets. Du Teddy Bear, le célèbre ours en peluche doté du prénom du Président Roosevelt à ses descendants télévisés les Bisounours, des maisons en miniature aux jeux de construction, des poupées bébé à la pimpante Barbie, si controversée, sans compter les Power Rangers et autres personnages guerriers, tout mérite également son attention.
Ce livre foisonnant révèle ainsi un univers désirable au regard des enfants, où le réalisme importe moins que l'invention et la fantaisie. Il montre aussi les enjeux et stratégies commerciales d'une industrie de plus en plus dépendante de la télévision. Enfin, il démonte quelques certitudes ou inquiétudes peu fondées : la fonction du jouet est ludique plus qu'éducative, les jeux guerriers ne sont pas vraiment dangereux et Barbie ne mérite pas tant d'acrimonie... En fait, les jouets, tels un miroir, nous renvoient surtout l'image de notre relation à l'enfance.