Les années soixante-dix.
Un enfant naît dans le tumulte joyeux de ces "années folles" où pour l'enfant roi qu'il personnifie la vie est synonyme de liberté, sans qu'il lui soit pour autant permis d'y trouver la stabilité et le bonheur souhaités. dans son adolescence, l'achat, aux puces, d'un manteau qui, au cours du temps, et jusque dans son âge adulte, perpétue le "doudou" dans les plis duquel il se réfugie afin d'y trouver le réconfort et d'y emmitoufler son mal-être, un manteau qui, à son image, s'use et se délite jusqu'à la trame, et en vient un jour à perdre, pendouillant et ne tenant plus qu'à un fil, son dernier boulon...
Dans ce nouveau roman de jeanne-marie sens les excès des années soixante-dix sont brossés sous un jour implacable. dans les aller-retour de la vie d'un personnage évoquant le malaise d'une certaine génération, l'auteur aborde le sujet intemporel du trébuchement, qui fait résonner une musique d'autant plus touchante qu'elle n'est étrangère à aucun d'entre nous.
"Putain qu'est-ce qu'on va lui raconter à la zine, déjà qu'elle nous fait chier avec la zique qu'elle dit toujours qu'on joue trop fort la nuit...
Et voilà que ce con d'chien il a étendu le chien à la zine, qu'est-ce qui t'a pris toi con d'chien d'avoir shooté le caniche à la zine, y t'a foutu les boules ou quoi?"
L'auteure s'interroge sur ce qui peut se produire quand la date de péremption des aliments est dépassée.
De la naissance à la mort la multiplicité de la vie d'un être ne se présente pas, ainsi qu'on pourrait le croire, par un ordre social établi dans une chronologie. Les événements se produisent au moment où ils sont là pour se manifester, le grand schéma classique reliant le fil tendu entre la naissance et la mort ne se raccorde pas d'un point à un autre en simple ligne droite, il s'agit de contourner les ornières et de suivre les méandres hasardeux du chemin, aborder les caps difficiles du passage de l'acte de naître à l'état de l'enfance et à celui de l'adolescence aux consciences déjà souvent perverties, puis enfin à celui de l'adulte à l'âge de raison qui sont fondés sur les institutions de dressage et d'éducation, de religion, d'ajustements aux collages d'insertion et de procréation pour fabriquer des êtres de conformité devant s'adapter à la sociatrie d'un monde toujours en mouvement où l'amour a bien du mal à trouver et à maintenir sa place, submergé qu'il est par la somme des conduites à tenir. Dans ce livre, un personnage, une femme, qui navigue sur les eaux mouvementées des différentes étapes de son existence, en vrac et sans forcément entre elles en tout cas en apparence de liens d'évidence : réminiscences, inventions, rêve, réalité, folie, avancées et reculs entre le passé et l'intrusion dans un présent à double face.
Au fond, ne vaut-il pas mieux en sourire, chacun de nous portant le poids de "l'insoutenable légèreté de son être", et puis, la vérité compte-telle dans ce duel inégal de la vie contre la mort où, quoiqu'il advienne, le perdant est déjà pointé dans un combat perdu d'avance ?