«J'ai donc entrepris aujourd'hui, dans ma quatre-vingt-troisième année, de raconter le mythe de ma vie.» C'est au printemps 1957, quatre ans avant sa mort, que C.G. Jung éprouva le besoin de raconter à sa collaboratrice, Mme Aniela Jaffé, ce qu'il considérait comme l'essentiel de son existence et, rédigeant lui-même les passages les plus importants, la chargea de coordonner le tout. Un des grands fondateurs de la psychanalyse se fait le témoin de lui-même.«Ma vie est l'histoire d'un inconscient qui a accompli sa propre réalisation.» Souvenirs, rêves et pensées est l'auto-analyse d'un des grands rêveurs de l'humanité qui s'explique en même temps sur l'au-delà, les mythes, les symboles, l'inconscient collectif et, jamais plus clairement qu'ici, sur la religion.
En plaçant l'ensemble des essais ici recueillis sous le titre du plus célèbre d'entre eux, nous croyons être fidèles à l'esprit qui les anime comme à l'objet même de la psychanalyse : l'ouverture à l'Unheimliche, à ce qui n'appartient pas à la maison et pourtant y demeure.Cette édition reprend dans une traduction nouvelle et annotée, qui devrait être l'occasion d'une lecture neuve, les textes qui figuraient jusqu'alors dans les Essais de psychanalyse appliquée. Ils apparaissent ici, augmentés d'une étude sur l'humour, dans l'ordre chronologique de leur publication.
Quatrième de couverture Freud avait un faible pour les histoires de « marieurs » dont on trouvera plusieurs échantillons savoureux dans ce livre. C'est que le Witz - le mot ou le trait d'esprit met en rapport des choses et des pensées hétérogènes : il les condense, il les combine ou, mieux, il les marie, le plus souvent dans une mésalliance qui déclenche le rire de l'auditeur et surprend même celui qui l'énonce. Le Witz réussi a la fulgurante de l'éclair. Le mot d'esprit est ici analysé, dans sa technique et dans ses visées, comme le furent, quelques années plus tôt, le rêve et les actes manqués. C'est qu'il est comme eux, aux yeux de Freud, une formation de l'inconscient plus qu'une production volontaire. Le mot d'esprit ou l'esprit des mots.
Ce livre traite des dépressions que nourrit un deuil impossible de l'objet aimé et perdu. En déniant le lien universel qu'est le langage, le déprimé nie le sens qui, pour l'être parlant, est le sens de la vie. Athée radical, le dépressif reste cependant un mystique : rivé à l'affect, la douleur et les larmes sont pour lui le pays secret d'une beauté aussi inaccessible qu'entière.Le sublime naît dans la mélancolie. La preuve ? Holbein, minimaliste macabre. Nerval, le Prince noir. Dostoïevski, persuadé que la soufrance est le but suprême de l'humanité, appelant le pardon. Et Duras, la femme-tristesse, qui rend contagieuses les figures de la dépression féminine dévoilées ici à partir de quelques histoires dites sur le divan du psychanalyste.
La métaphore du théâtre est en psychanalyse, depuis l'invocation par anna o.
De son " théâtre privé ", habituellement associée à l'hystérie. joyce mcdougall en généralise l'emploi : toute psyché est théâtre, tout " je " est répertoire secret de personnages oubliés, méconnus, en quête d'auteur et de drame, toute psychanalyse est une scène oú se répètent, se déploient et se transforment les scénarios inconscients. ces scénarios, l'auteur les découvre dans ce qu'elle nomme le théâtre de l'interdit, qui reste marqué par å'dipe, et le théâtre de l'impossible, modelé par narcisse.
En fait ces deux modalités se conjuguent sans cesse. comme le montrent les nombreux cas ici analysés avec une acuité peu commune. plus que les névroses classiques, ce sont les formes les plus déroutantes de la psychopathologie que ce livre envisage théoriquement et cliniquement : la " sexualité addictive ", la " néo-sexualité " de la perversion, les " psychosomatoses " on encore l'" alexithymie ", incapacité d'exprimer et même de ressentir tout affect de plaisir ou de douleur.
Autant de mises en acte violentes qui recouvrent, plutôt qu'elles ne l'excluent, une mise en scène complexe. c'est bien souvent quand les mots manquent que l'inconscient est le plus demandeur et quand le plateau paraît désert que la représentation, bouffonne ou tragique, est le plus traversée de bruit et de fureur.
«En 1917, Freud écrivit à Groddeck : Vous me priez instamment de vous confirmer de façon officielle que vous n'êtes pas un psychanalyste, que vous n'appartenez pas au groupe de mes disciples, mais que vous pouvez prétendre avoir une position originale, indépendante [...]. Je suis obligé d'affirmer que vous êtes un superbe analyste qui a saisi l'essence de la chose sans plus pouvoir la perdre.»Cet ouvrage, publié en 1923, est constitué d'une série de lettres fictives adressées à une amie, lettres pleines d'esprit, de poésie et de malice où l'auteur développe sa propre thématique du Ça, fort différente de celle de Freud.
Ce livre, bilan ethnopsychiatrique d'une oeuvre abondante, aborde les thèmes les plus variés, depuis la délinquance sexuelle des jeunes filles dans une société puritaine jusqu'aux rêves pathogènes dans les sociétés non occidentales.
J'ai demandé à Pierre Bergounioux s'il consentirait à dire les raisons pour lesquelles il se détourne si volontiers de la psychanalyse, sans qu'il s'en soit jamais vraiment expliqué - ma question plus directe ou provocatrice était : « Qu'est ce qui t'a retenu de faire une analyse ? » - Quelques mois plus tard, voici le résultat.
Hôtel du Brésil est le nom de l'hôtel où Freud est descendu, rue Le Goff, quand il a étudié auprès de Charcot. L'étudiant Bergounioux, à qui le nom de Freud ne dit pas grand-chose, tombe sur la plaque commémorative alors même qu'il vient d'acheter « trente kilos de livres » qui parlent de son propre engagement et de ses objets. Cet engagement, c'est chercher non en lui mais au dehors de lui-même les causes de son mal-être.
L'enfant effaré qu'il a été, accablé de tristesse dans la bibliothèque non chauffée de Brive, vivant à côté d'adultes muets, devenu jeune homme découvre que la constitution du sol (le grès « permo-carbonifère ») a rendu tout triste en Corrèze - maisons et ambitions intellectuelles et rendement des cultures fermières, et humeur : une condition provinciale loin de toute lumière. Ce qui éclairera l'auteur sur ce qui l'agite, c'est l'analyse politique. Pierre explique avec toute sa droiture, toute son obstination aussi - et son écriture fluide et grave -, que l'inconscient est dehors. Ce court essai - au fond antipsychanalytique - est très émouvant. Et quoi de plus souhaitable qu'un excellent adversaire pour secouer les pensées devenues trop familières ?
« Si rien n'est plus manifeste que l'inconscient, depuis que Freud a passé, il résidait bien moins en nous, pour moi, pour d'autres, qu'à notre porte, dans les choses qui nous assiégeaient, leur dureté, leur mutisme, la tyrannie qu'elles exerçaient sur nos sentiments, les pensées qu'elles nous inspiraient forcément et semblaient s'ingénier à dénaturer. Le monde n'était pas ce résidu friable, terne que pouvaient ignorer « les belles dames » [les patientes de Freud] mais une excroissance énorme, ténébreuse - et je n'avais déjà même plus quarante ans pour m'en débarrasser. »
Voici sans doute le plus étrange et le plus freudien des écrits de Freud. Composé par strates successives en trois essais, il garde tout au long des traces de sa fabrication insolite. Étrange aussi par son audacieuse hypothèse de départ - «Si Moïse était un Égyptien ?» -, il est bien loin de s'y réduire. À travers l'histoire de l'homme Moïse, c'est en effet la formation d'une religion, celle de l'identité juive (et de l'antisémitisme), enfin le passage de la sensorialité à la vie de l'esprit qui font ici l'objet de l'enquête, avec, en arrière-plan, la question du père mort qui, tout comme la figure de Moïse, n'a cessé de hanter Freud.«Roman historique» au dire de son auteur, Bildungsroman ou roman secret - l'homme Moïse, c'est aussi l'homme Freud -, ce livre appelle autre chose qu'une interprétation : une lecture.
Ce recueil d'une quarantaine de textes inédits ou dispersés dans des revues montre un Winnicott explorateur et conteur passionné. Nombreux sont en effet les inédits qui sont le résultat d'intuitions et de perceptions déroutantes pour l'auteur lui-même, qui a ainsi éprouvé le besoin de les saisir par l'écrit, en quelques pages vives et ouvertes. Certaines de ces pages sont des notes préparatoires pour un enseignement ou une conférence, et sont enjouées, prêtes à être partagées. Elles ont aussi l'intérêt de révéler un Winnicott moins connu, un analyste d'adultes non conventionnel, capable d'aller dans un restaurant retrouver une patiente, ou d'expliquer comment ses propres rêves lui constituent un «club» où il se rend pour avoir la paix. C'est le parcours d'une vie de recherche qui est présenté (travaux de 1939 à 1970), mais un parcours parallèle et généralement ignoré. On y découvre les marges de la pensée winnicottienne et, comme c'est une pensée essentiellement paradoxale, les marges sont au centre.
Ce livre explore les principales modalités de ce que Freud, dans une de ses toutes premières définitions de la psychanalyse, a appelé le «royaume intermédiaire». Autant de variantes de l'entre-deux : entre le masculin et le féminin, entr le savoir et le fantasme, entre l'enfant et l'adulte, entre le mort et le vif, entre le hors de soi et la présence de soi. La vie psychique est ici décrite comme oscillant entre deux pôles : l'expérience du rêve, cet événement de la nuit d'où peut naître la parole, et la connaissance de sa douleur qui fait silence ou cri. Quinze études où s'écrit le trajet d'une pensée qui se tient moins dans l'abri d'une théorie constituée qu'aux confins de l'analysable.
Voici ce qu'écrit Freud de sa Selbstdarstellung publiée en 1925:«Deux thèmes parcourent cet ouvrage:celui de ma propre destinée et celui de l'histoire de la psychanalyse. Ils sont étroitement liés. Ma Présentation de moi-même montre comment la psychanalyse devint le contenu de ma vie et elle se conforme à ce principe justifié que rien de ce qui m'arrive personnellement ne mérite d'intéresser, au regard de mes relations avec la science.»Ces lignes, extraites de la postface, inédite en français à ce jour et qu'on trouvera dans notre édition, définissent bien le propos de ce petit livre, qui n'est ni une autobiographie, ni un autoportrait, ni un exposé doctrinal, et qui pourtant participe de tous ces genres. Rarement un homme des «commencements» a voulu à ce point se confondre avec sa cause, également soucieux d'en assurer l'expansion et d'en maintenir avec intransigeance l'irréductible spécificité.
Le recours des parents aux psychologues, orienteurs, rééducateurs, psychiatres ou psychanalystes est-il une «démission» ? La nature de l'aide dont les enfants ont besoin n'est pas toujours ce qu'on imagine. Difficultés scolaires, troubles caractériels ne sont pour l'enfant qu'un moyen de faire apparaître un malaise qui le dépasse. Que voit, que saisit le psychanalyste lors du premier contact ? Quel est son rôle propre et irremplaçable ? Maud Mannoni le fait comprendre au moyen d'exemples bouleversants, dans un livre qui contient des vérités que l'on a trop coutume de taire.
Freud n'avait pas de goût pour la polémique, disait-il, et la jugeait vaine.
La psychanalyse - la sienne, la seule qui ait droit à ce nom - finirait, grâce à la poursuite de l'oeuvre, par être reconnue pour ce qu'elle est. Voici cependant, en ce début de l'an 1914, qu'il y a péril en la demeure et urgence à le conjurer : des proches, et au premier chef Jung, le "prince héritier", s'affirment psychanalystes, alors qu'aux yeux de Freud ils ont cessé de l'être. II n'est plus permis de se taire, il faut engager le fer.
Quoiqu'il s'en défende, c'est un texte vigoureusement polémique qu'écrit Freud, un texte qui, pour avoir été longtemps négligé, retrouve une singulière actualité en ce temps d'éclatement de la "communauté" psychanalytique.
« Il fut un temps où j'avais le sentiment d'avoir saisi l'être de Lacan de l'intérieur. D'avoir comme une aperception de son rapport au monde, un accès mystérieux au lieu intime d'où émanait sa relation aux êtres et aux choses, à lui-même aussi. C'était comme si je m'étais glissée en lui.Ce sentiment de le saisir de l'intérieur allait de pair avec l'impression d'être comprise au sens d'être toute entière incluse dans une sienne compréhension, dont l'étendue me dépassait. Son esprit - sa largeur, sa profondeur -, son univers mental, englobaient le mien comme une sphère en contiendrait une plus petite. J'ai découvert une idée semblable dans la lettre où Madame Teste parle de son mari. Comme elle, je me sentais transparente pour Lacan, convaincue qu'il avait de moi un savoir absolu. N'avoir rien à dissimuler, nul mystère à préserver, me donnait avec lui une totale liberté, mais pas seulement. Une part essentielle de mon être lui était remise, il en avait la garde, j'en étais déchargée. J'ai vécu à ses côtés pendant des années dans cette légèreté. »
Au retour d'un voyage à Vienne début 2018 - c'est-à-dire au lendemain du retour de l'extrême droite au pouvoir en Autriche -, Yann Diener écrit un texte intitulé «Vienne, toujours freudienne?» pour la chronique qu'il tient dans Charlie Hebdo. Ce texte l'incite à réunir les chroniques dans lesquelles il traitait déjà du concept de répétition. Comme ces chroniques, les chapitres qui les prolongent ici obéissent à l'exigence d'articuler des concepts de la psychanalyse à des questions politiques, pour pouvoir repérer les plis d'une Histoire chiffonnée. Chiffonnée, comme disait le «petit Hans» à propos de sa girafe ; chiffonnée, comme l'histoire même de ce livre (Yann Diener a en effet pris la suite de la chronique que tenait Elsa Cayat jusqu'à sa mort dans l'attentat du 7 janvier 2015). Mais la connotation négative du mot - qu'est-ce qui te chiffonne? - cède ici la place à une conceptualisation progressive, d'un pli à l'autre.
Le chiffonné, qui n'a pas encore beaucoup attiré l'attention des analystes, est un objet théorique qui vient du champ de la physique autant que du rêve d'un jeune garçon de cinq ans vivant à Vienne au début du XXe siècle.
À travers une iconographie exceptionnelle étayée par des essais d'historiens des sciences, de l'art et des religions, cet ouvrage propose un regard renouvelé sur le cheminement scientifique et intellectuel de Sigmund Freud. Mettant en lumière l'importance de ses recherches dans le domaine de la neurologie, Freud, du regard à l'écoute s'attache à faire redécouvrir l'invention de la psychanalyse et son développement au-delà du cercle viennois, puis son impact sur le surréalisme alors même qu'elle se construit dans le refus de l'image, s'épanouissant dans les associations de mots et l'écoute en l'absence de toute représentation visuelle : le lisible contre le visible, le mot contre l'image. Au fil de la carrière du médecin viennois, l'ouvrage met aussi en évidence sa dette à l'égard du judaïsme, car si Freud lui-même se définit comme un «juif tout à fait sans Dieu» et souhaite défendre le caractère universel de la psychanalyse, sa pensée demeure profondément redevable à la tradition interprétative propre au judaïsme.
L'artiste, qui crée dans un moment de saisissement, mis pour ainsi dire hors de lui, le psychanalyste, qui se trouve un instant «saisi» par l'inconscient de son patient, l'être aimant, qui se laisse happer par le mourant, ne sont que des exemples extrêmes de la précarité des limites en quoi l'auteur discerne non pas une disposition nécessairement pathologique, ou un accident purement négatif, mais bien la chance de l'être dans ses efforts pour se construire lui-même et atteindre sa vérité. Expérience et reconnaissance de l'inconscient : nous sommes ici dans le droit fil de la pensée freudienne la plus irrécusable, celle de l'inquiétante étrangeté.
A ceux, aujourd'hui nombreux, qui ne voient dans la psychanalyse que la forme moderne de l'effort pour " normaliser " toute expression déviante.
Ce livre apporte une double réponse. d'une part, il existe une " suradaptation " à la réalité dont seule l'expérience analytique révèle la misère psychique sous-jacente. d'autre part, les " déviations " les plus aberrantes témoignent. quand on parvient à en reconstruire le scénario inconscient, d'une créativité remarquable. s'il est rare d'entendre des psychanalystes plaider pour une certaine anormalité.
C'est qu'il est rare aussi d'en rencontrer qui consentent à mettre en question, au-delà même de leur savoir et de leur méthode, leur identité d'analyste. or c'est aux " cas " qui ébranlent celle-ci que s'intéresse plus particulièrement joyce mcdougall : les patients qui, pour être différents du " bon névrosé classique", sont trop rapidement étiquetés comme caractériels, pervers, narcissiques, psychosomatiques.
En fait, pour peu qu'on sache aller au-devant de leur souffrance, ils portent l'analyste aux limites de l'analysable, du représentable, du narrable. c'est sur ce terrain, oú il faut sans cesse inventer pour comprendre, que nous conduit l'auteur, avec une exceptionnelle liberté de pensée et de style.
Ce livre explore des questions touchant essentiellement à la psychanalyse, et au-delà, à la création artistique. Plus largement il concerne toute émergence de nouveauté vraie : non un réarrangement d'éléments connus, mais une « mise au monde » de ce qui jusqu'à ce moment n'existait pas, et dont la survenue modifie la structure d'ensemble et pas seulement l'aspect.
Ainsi les impressionnistes ont-ils rénové l'art pictural : d'abord incompris, ce qu'ils ont imposé a modifié le regard, fait voir ce qui n'avait pas été vu jusque là, changé la perception du monde.
La question est donc la suivante : que perdons-nous quand, pour parler, penser, agir, que nous nommons les objets, ce qui est nécessaire pour leur assurer une « figure » précise et délimitée ?
La réponse proposée : nous perdons l'intégralité de la substance dont nous avons tiré ces objets en la fractionnant en unités distinctes, et nous perdons de même notre propre participation de cette substance. Nous ne le savons qu'indirectement, en éprouvant une certaine et constante insatisfaction, un sorte de déficit de réalité dont de nombreux penseurs ont témoigné.
Un exemple géopolitique : les divisions successives de la région des Balkans ont fait disparaître ce que des historiens ont pu désigner comme une culture balkanique originaire. Ce que les frontières recèlent serait donc, non du territoire disparu, mais d'une autre nature : l'âme d'un peuple.